(Terminé) Changer l'avenir / Avril 2108 [Leroy]

Depuis l’annonce faite sur les réseaux de la cité, quelques mois plus tôt, mon groupe n’avait cessé de se renforcer. Maintenant, les Pacificateurs n’étaient plus une légende, une chimère dont on parlait sans connaitre réellement l’origine. Nous existions véritablement. Nous avions un but, une Cause bien précise : celle de changer le futur, celle de faire évoluer les mentalités et de rapprocher les deux peuples qui se vouaient une haine absolue depuis bien trop longtemps. Nous étions cette chance pour les nouvelles générations. J’en étais certaine. Nous ne pouvions répéter inlassablement les erreurs du passé. Cette nuit allait être encore mouvementée mais pour l’instant, je n’en connaissais pas le dénouement, juste à souhaiter que mon intuition ne me trompait pas, qu’elle puisse continuer ainsi à me guider vers les autres. Mes doigts effleurèrent tendrement le médaillon que je portais autour du cou : un phénix forgé dans un vieil argent. Chaque membre en détenait un. Mais le mien avait une symbolique plus personnelle : C’était mon père qui me l’avait forgée. Le Phénix représentait la renaissance après les douleurs. Il convenait parfaitement au groupe.

 - Il est temps d’y aller Mara.

De l’autre côté de la ruelle, se dressait la villa de McStone. La faible clarté à travers les rideaux, indiquait la présence du maitre des lieux.

 - On s’en tient au plan. Je t’attends derrière la villa. Surtout, laisse-moi le temps de lui parler, de discuter avec lui. C’est notre unique chance.

Je n’allais pas frapper à la porte de la demeure de l’Ancien même à une heure aussi tardive de la nuit. Les quartiers résidentiels avaient la réputation d’être calmes mais cela ne me donnait pas le droit de prendre des risques inutiles et infondés. J’avais décidé qu’un seul Pacificateur m’accompagnerait pour cette mission particulière. Dane, un Asarien doté du pouvoir d’invisibilité et de téléportation. Je ne pouvais rêver de mieux pour cette première approche. Je contournai, dans les ombres de la nuit, la splendide maison, me faufilant dans le jardin jusqu’à atteindre la petite porte qui donnait sur la cuisine. Me plaquant contre le mur tout en me penchant sobrement vers la fenêtre, je pouvais apercevoir les mouvements à l’intérieur. Il était là, bien éveillé. La lumière du réfrigérateur me permettait de l’observer, cherchant quelque chose à l’intérieur. C’était ce soir ou jamais : pouvoir approcher un Longue-Vie qui n’était pas gangréné par le pouvoir et cette obsession d’asservir les Miens comme des esclaves, comme des bêtes. Les paroles d’Ahmad Saria, que j’avais pu croiser avant sa disparition, me revenait en mémoire. Le SEER n’était qu’une étape. Ses « enfants » qu’un maillon. Il y aurait une autre évolution mais elle ne se ferait qu’avec l’union des deux races. J’espérai que nous n’avions pas fait tout cela en vain, à l’épier, le guetter, échanger des messages durant tous ces mois. Un pari fou et risqué lorsqu’on s’était tous aperçu que c’était un Conseiller auprès du ministère de l’Education qui avait laissé des indices et des sous-entendus, un peu partout, que nous seuls pouvions interpréter comme une demande de lien et de confiance.

Dane se téléporta devant l’entrée principale de la villa, jouant aussi de son invisibilité pour masquer sa présence. Il toqua deux fois, et au moment où il entendit des pas et l’Ancien ouvrir la porte, il se retéléporta près de moi, et m’emmena à l’intérieur grâce à ce même pouvoir pour y disparaitre de nouveau. Il avait comme consigne de surveiller mon tête-à-tête avec Leroy McStone et d’intervenir au cas où tout cela ne serait qu’un piège de la part de la Grande Conseillère qui viserait à mettre la main sur la femme qui lui avait pris son unique fils. Ma tête était mise à prix depuis plusieurs mois.

J’étais maintenant dans la cuisine, ma longue cape enveloppant ma silhouette, la capuche remontée sur mes cheveux auburn, j’avançais à pas feutrés jusqu’à atteindre le petit couloir. L’Ancien venait de s’apercevoir qu’il n’y aurait jamais personne à l’entrée, refermant sa porte, perplexe et déconcerté. Je me tenais à quelques mètres de lui, et ma voix résonna soudainement, à la fois délicate et déterminée.

  - Monsieur Leroy McStone … Excusez-moi de ce contretemps.    Je ne pouvais pas me présenter ainsi à vous simplement en frappant à votre porte. Je dois être très prudente.

Amusant de constater sa tenue qui contraster beaucoup avec la mienne lorsqu’il se retourna pour me faire face. La lueur intense de mes prunelles argentées, détaillait l’homme qui n’osait pour le moment ne faire aucun geste. Je libérai lentement des pans de ma cape, mes mains et mes bras pour lui prouver que je n’avais aucune arme. Même si je savais qu’il n’aurait qu’à claquer des doigts pour employer ses puissants pouvoir sur une humaine telle que moi s’il voulait me montrer sa supériorité.

  - Vous vouliez prendre contact avec les Pacificateurs.   Je suis là pour vous, cette nuit.

Ne pas me nommer, ne pas lui dévoiler pour le moment mon identité. Ce n’était là pas la priorité de notre échange. Je renversai ma capuche en arrière d’un geste soigné, sans brutalité, découvrant mon visage à mon interlocuteur. J’étais jeune. C’était très certainement ce qu’il penserait. Je n’avais que vingt-six ans. Mais il n’y a pas d’âge pour mener des combats et croire en des idéaux.

  - Nous avons été obligés de prendre énormément de précautions avant de venir à vous. Être certains de vos arguments et de vos intentions. Je n’aurai jamais imaginé voir un Longue-Vie se détourner de la sphère d’où émane le pouvoir de la cité d’Asaria.
Pourquoi vous ferai-je confiance ? Pourquoi seriez-vous si différents des Vôtres ?

Mes premières questions entraineraient ses premières réponses et peut-être d’une certaine manière, elles me permettraient d’en savoir davantage sur cet homme, de me faire moi-même un avis, de sceller une nouvelle union …

En cette heure tardive de la nuit, j'étais encore penché sur des dossiers, toutes lumières allumées dans ma demeure... Mon travail dépassait souvent les horaires fixés habituels, et il était courant que je ramène du travail chez moi, où que je veille tard dans mon bureau, quand je n'y passais pas la nuit complète... En même temps que je lisais et prenais diverses notes, je pensais à ces femmes et ces hommes qui croyaient en un futur ou Asariens et humains pouvaient vivre dans la bonne entente, en harmonie, et non comme ils le faisaient en majorité à l'heure actuelle, quand Anciens et Asariens asservissaient les humains qu'ils considéraient comme étant de faibles créatures inférieurs... Cet objectif d'un monde nouveau ou le respect et l'harmonie entre Anciens et humains était aussi le mien... Pour cela, j'essayais depuis plusieurs mois de joindre et prendre contact avec ces individus ayant une vision des choses semblable à la mienne... Cet état d'esprit de ma part semblait être marginal, mes pairs ne pensant qu'au pouvoir, à la supériorité des Longues-Vies et l'asservissement des Humains....

Sentant un creux dans l'estomac, j'allais me servir dans le frigo, fouillant dedans pour voir si j'avais de quoi me faire un en-cas quand j'entendis toquer distinctement à la porte d'entrée de ma demeure... Surpris que l'on vienne à cette heure si tardive, j'allais néanmoins ouvrir la porte, voir ce qu'il se passait.... Je ne pus que me rendre compte qu'il n'y avait visiblement personne, alors je fermais la porte, perplexe... Mon ouïe d'Ancien ne me faisait pas défaut, il y avait quelqu'un peu de temps auparavant... Une téléportation?? Peut-être, ce qui expliquerait la rapidité de la disparition, mais pourquoi??? Je pu en avoir un début de réponse quand j'entendis une voix féminine derrière moi, provenant de ma salle à manger.... Me retournant, je vis la jeune femme en question, du moins la voix était jeune, s'excusant du contretemps, disant ne pouvoir faire autrement... Elle releva sa capuche,me permettant de voir son visage, ses longs cheveux auburn et ses yeux argentés.. Elle ne me dit aucun nom, mais seulement qu'elle était un contact des Pacificateurs, et qu'ils m'accordez ainsi une entrevue... Ce groupe que je cherchais à approcher amicalement depuis plusieurs mois prenait ainsi cette initiative.... Comme ils devaient être surpris que l'un des Conseillers au Ministère puisse vouloir être ami avec eux... Elle me précisa un peu ce qu'elle attendait, commençant à m'interroger sur mes motivations...

- Nous avons été obligés de prendre énormément de précautions avant de venir à vous. Être certains de vos arguments et de vos intentions. Je n’aurai jamais imaginé voir un Longue-Vie se détourner de la sphère d’où émane le pouvoir de la cité d’Asaria.
Pourquoi vous ferai-je confiance ? Pourquoi seriez-vous si différents des Vôtres ?

Je sentais que de mes réponses découlerais les actes futurs, alors je décidais d'être honnête, sans rien cacher... Je l'inviter à prendre place au salon puis répondis aussi précisément que possible à ses questions d'une importance cruciale pour nous deux....

-Je ne peux qu'imaginer ces précautions et vous remercie pour m'avoir accorder cet entretien.... Je suis peut être un Ancien, mais jamais je n'ai eu, comme mes homologues Longue-Vies, cette volonté d'asseoir la suprématie des Enfants du SEER, d'asservir les humains comme s'ils étaient inférieurs.. Ils oublient une chose importante, c'est qu'avant l'injection, nous étions tous - Anciens que nous sommes - de simples humains, identiques à ceux qu'ils souhaitent détruire.... Cette vérité, je la connais et la garde présente à l'esprit... Tout comme vous, je sais qu'une cohabitation, si ce n'est plus que ça, est possible entre Anciens et Humains, pour peu que chaque "peuple" le veuille et s'en donne les moyens...

Je pense que vous devez avoir beaucoup de questions, la moindre des choses de ma part sera d'y répondre aussi clairement que possible.... Vous êtes et serez la bienvenue ici, ainsi que vos amis... Questionnez moi, je vous promets des réponses, ais avant cela, souhaiteriez vous un rafraichissement?? J'ai l'impression que la nuit sera longue...

J’étais jeune mais l’expérience m’avait appris à faire très attention aux moindres de mes gestes et de mes mouvements dans la cité. Ma capture pouvait rapporter extrêmement gros auprès de la Grande Conseillère. La rencontre avec un Ancien était inespérée et je ne pouvais manquer cette rencontre même si elle comportait des dangers. Avec l’aide d’un autre pacificateur nous avions fait en sorte de détourner son attention pour que je puisse me glisser à l’intérieur de sa demeure. Et c’est lorsqu’il referma la porte d’entrée que je m’approchai de lui tout en gardant une certaine distance entre nous deux. Il fut surpris de ma présence. Je me dévoilais à lui, laissant tomber ma capuche en arrière et lui montrant mes mains libres de toutes armes que j’aurai pu posséder. Il n’osa s’avancer vers moi surpris par ce petit tour de passe-passe dans sa villa. Malgré cela, il m’invita à le suivre dans le salon, et j’acceptai. Nous étions méfiants l’un envers l’autre. Pourtant, nous allions devoir trouver une certaine confiance pour pouvoir nous comprendre et peut-être aussi nous allier.

La nervosité était palpable, peut-être plus pour lui que pour moi. J’étais pour ma part curieuse et impatiente de le connaitre davantage, bien au-delà de tous les rapports qui avaient été faits sur lui. M’avançant alors, l’Ancien se retourna brusquement pour me faire face. Proche soudainement d’un inconnu. Je le dévisageais. J’essayais de discerner un trait particulier de sa sincérité. Ses yeux bleus me ramenaient à ceux de Gabriel : vifs et intenses. Cela en était presque troublant. J’écoutai avec attention son discours, comme celui d’un condamné qui attendait son jugement. A ce même instant, les recommandations des Pacificateurs me revenaient à l’esprit. Et si tout cela n’était qu’un piège du gouvernement ? Et si dans quelques minutes, une horde de soldats allaient franchir le seuil de la demeure de McStone ? Non ! J’étais certaine qu’il était différent ! C’était comme un sixième sens au fond de moi qui me couvait et qui me donnait aussi cette sécurité face à lui.

 - Puisque vous me l’offrez si gentiment … Je prendrai un café. La nuit sera longue … oui.

L’effort devait se produire des deux côtés. Je m’installai alors dans le divan non loin de lui cherchant mes propres mots et mes réflexions sur ce qu’il venait de me dévoiler.

- Votre honnêteté, vous honore Monsieur McStone. Peu d’Asariens, et encore moins d’Anciens  se souviennent qu’avant la création du SEER, nous étions tous issus d’un même peuple, d’une même race sans distinction de gênes et de mutation.  Aujourd’hui, les Vôtres, nous écrasent comme des parasites qu’ils doivent à tout prix éliminer. Mon peuple, je ne vous le cache pas et vous devez le savoir, ne fait pas confiance aux Asariens. Pourtant, il y a des personnes comme moi qui ont compris que répéter les erreurs du passé n’est pas la bonne solution.

Je pris délicatement la tasse qu’il avait déposée pour moi sur la table basse qui nous séparait, comme une limite pour le moment qu’aucun de nous ne voulait franchir. Je portai le nectar chaud à mes lèvres pour en boire une petite gorgée. Je désirai aussi le mettre à l’aise, lui démontrer que j’étais à son écoute.

 - Je comprends votre réflexion et vous avez raison, j’ai un tas de questions à vous poser. Vous êtes le premier Longue-Vie que je vois et qui pense de cette façon. Tout n’est pas perdu alors. L’espoir repose aussi sur vous. Vous êtes différent. La preuve. Vous parlez à une humaine. Donnez-moi un seul exemple où un Ancien a laissé une chance à un humain face à lui ?

Puisque je possédais des informations sur lui. Pour lui prouver ma bonne foi, je me dévoilai totalement. Mon nom ne lui serait pas complètement inconnu. Mais peut-être n’avait-il jamais fait le rapprochement entre toutes les données.

 - Comme vous le devinez, m’exposer trop facilement, serait revenu à signer mon arrête de mort. Je me nomme Mara Jade et je suis la Leader des Pacificateurs … Chercher dans votre mémoire, je suis persuadée que la Grande Conseillère et certains de ses ministres, comme Kylian E. Wright ont déjà parlé de moi en des termes peu élogieux. Alors ? Auriez-vous pensé que la personne responsable de ce rassemblement entre les deux peuples pouvait être une simple femme ?  J’ai eu la chance de rencontrer Ahmad Saria. Ses paroles m’ont fait comprendre que son SEER n’avait jamais été là pour desservir l’humanité … Mais malheureusement, ceux qui comme vous, les Tous premiers, ont touché à ces immenses pouvoirs, ont tout changé et tout a basculé dans le chaos le plus total.

Du passé, je ne savais que ce que nos ainés nous racontaient. Nous n’avons pas d’école dans les terres sauvages. C’étaient les plus âgés qui nous apprenaient à lire, à écrire et à compter. C’étaient leurs souvenirs qui nous permettaient de comprendre l’évolution de l’Histoire et pourquoi nous en étions arrivés là.

- Les Miens ont provoqué l’Apocalypse. Ils ont tout détruit de cette Terre qui n’avait rien demandé au point de déséquilibré les continents et les climats. J’imagine sans connaitre votre histoire, que vous avait beaucoup perdu. On ne peut pas revenir en arrière, ni vous ni moi.  La haine a engendré tellement de mal. Elle est ancrée dans les deux races si profondément qu’elle en devient une obsession.

On pouvait me traiter d’utopiste, de naïve, ou de tout autre terme. Cela n’avait aucune importance pour moi. Ma Cause, c’était ma vie. Pensée et réfléchie depuis de très longues années. L’Ancien devait aussi savoir que j’aurai pu choisir une autre direction à cause d’un passé horrible.

 - J’aurai pu rejoindre la Rébellion. J’ai moi-même été victime de l’un des vôtres. Le ministre Wright m’a fait vivre en enfer durant 48 heures avant que j’arrive à m’échapper. D’ailleurs, je ne sais toujours pas comment j’ai pu arriver à fuir tant mon corps était douloureux.

Je repris ma tasse de café, humant la bonne odeur avant d’y regoûter une seconde fois. J’avais joué sur un petit silence pour que McStone puisse saisir tous les tenants et les aboutissants.

 - Pourtant, je suis là. Je fais confiance en des Asariens. Je remettrai ma vie entre leurs mains sans me poser aucune question. C’est à nous de changer la face du monde, de prouver qu’il existe une autre voie, une autre Cause.   Alors, si je suis venue à vous aujourd’hui, c’est que tous les éléments sont réunis pour vous approcher. Et qu’il ne faut pas perdre un temps aussi précieux. Maintenant, que je vous ai éclairé sur ma personne, je vais vous poser quelques questions.

Je reposai ma tasse, me penchant vers lui, mes mains croisées sur mes cuisses.

- Pourquoi mettre votre position en danger pour un groupe de parias alors que vous vivez d’une manière dès plus confortable ? En nous approchant et si vous acceptez de coopérer avec nous, vous allez devoir jouer un double jeu face à tous ces ministres, à tous ces Asariens. Un jeu dangereux et parfois fatiguant. Avez-vous pensé à tout cela, Monsieur McStone ? Pourquoi êtes-vous si différents de ces Longues-Vies ? Comment êtes-vous arrivé à vous protéger de cette perversité et cette cruauté qui rongent les Anciens ? Et pourquoi avoir choisi les Pacificateurs ? Oui, je sais, cela fait beaucoup de questions mais je dois comprendre votre démarche et vos motivations.

Maintenant, tout dépendrait de lui, des choix qu’il allait devoir faire, des concessions, du danger qu’il épouserait, des situations sensibles dont il devrait se défaire et briller avec intelligence et élégance.

- Vos paroles me paraissent sincères. Elles rejoignent la conversation que j’avais échangée avec Ahmad Saria. Vous pouvez faire énormément. Votre position au sein même de la sphère du pouvoir, vous donne accès à tous les dossiers les plus importants, à toutes les décisions. Ne vous inquiétez pas, je ne vous demanderai jamais de vous mettre trop en avant. Vous devez rester dissimuler parmi cette fosse aux lions. Un espion pour notre Avenir.
Mais vous … que souhaitez-vous faire ?

Malgré une heure tardive de la nuit, je travaillais toujours sur l’un de mes dossiers en cours… Il ‘était pas rare que mon emploi déborde sur ma vie privée, les horaires pouvant variés énormément suivant l’intérêt du dossier en question… Ma demeure était donc illuminée… J’allais à un moment au frigo, ayant un creux et souhaitant manger un peu quand j’entendis toquer à la porte d’entrée… Curieux de connaître ce visiteur que je n’attendais pas, j’allais ouvrir pour m’apercevoir que le seuil était vide d’occupant… Personne ne se tenait devant la maison… Méfiant, je refermais tout de même la porte pour entendre une voix féminine derrière moi.. Surpris, je me retournais pour voir venir vers moi une jeune femme, se présentant comme un contact des Pacificateurs… Ainsi ils m’avaient compris, et souhaitaient en savoir plus… C’était pour le moins inespéré… Je l’invitais donc au salon, lui proposant un rafraichissement puis m’asseyais à ses côtés, dans un fauteuil proche du divan, les tasses de café en main et la servis… Le but de cette visite imprévue pouvait donc débuter… Et j’étais plus qu’attentif à ses paroles…

Elle me précisa, comme je le savais, que peu d’Anciens se souvenaient de cela… De cette généalogie commune.. Du fait qu’avant le SEER, nous étions semblables à ces humains qu’aujourd’hui ils rêvent de détruire, et qu’ils asservissent sans remords… Leur soif de pouvoir, de supériorité a détruit la volonté de notre Père.. Ahmad Saria qui souhaitait que le SEER serve à l’humanité, et non la détruise ainsi… A sa question de savoir si une fois un Ancien avait pu parler à une humaine sans chercher à la tuer sur le champs, je pris le temps de réfléchir un peu … Mais à ma connaissance, de par mon vécu, je n’en avais pas entendu parler…. A moins que l’information ait été noyée sous d’autre….

- Je n’en ai pas connaissance, du moins de par mon vécu, il me semble… Mais cela ne signifie pas que cela ne doit pas exister… Comme aujourd’hui…

Puis elle repris la parole, se présentant alors… Nul besoin de la télépathie pour savoir qu’elle jouer franc jeu, elle aussi, malgré les risques encourus… Mara Jade… Oui, comme tout Ancien travaillant au Ministère, j’avais entendu parler de cette femme étant à l’origine de ce rassemblement d’Asariens et d’Humains sous une même bannière, un même idéal… La Leadeur des Pacificateurs… Les Anciens cherchaient à la capturer, parce qu’elle avait une force en elle qui les mettaient en danger, selon eux…

-Oui, bien sûr que j’ai entendu parler de vous, ne serait-ce que dans les couloirs du Ministère, en prêtant l’oreille aux murmures de certains… Votre travail pour rassembler ceux croyant en un même but, Asariens et Humains est vraiment remarquable… Voter présence ici est inattendue et précieuse … Je me souviens d’Ahmad Saria, et en effet, le SEER ne devait pas avoir cette utilisation de puissance qu’il a encore aujourd’hui, malheureusement, mais c’est aux nouvelles générations, je pense, de rectifier cette erreur, et de créer un avenir commun entre nos deux peuples…

Je sens qu’elle me parle du passé tel qu’elle le connaît, de cette racine commune entre Anciens et Humains, de cette terrible nuit lors de laquelle tant des nôtres, toutes races confondues ont terriblement perdues, alors que c’était les Humains qui avaient perpétrés cela, en espérant détruire ces êtres cruels qu’étaient devenu les Anciens, par la suite … Je n’étais pas le seul à avoir perdu des membres de ma famille, des être chers qui laissaient encore des plaies en mon cœur… Les souvenirs affluent à ces évocations, mais je n’en laisse rien paraître… Elle m’informa aussi que le Ministre Kylian E. Wright l’avait capturée, et torturée pendant 48h avant qu’elle ne puisse en réchappée… Connaissant Wright, je ne pouvais qu’essayer d’imaginer son calvaire… Et pourtant, rien ne sembler ébranler la jeune femme, qui continuait sa route sans jamais dévier de sa trajectoire… Après m’avoir révéler tout cela, tous ces éléments sur elle, et ensuite sur la raison même d’existence des Pacificateurs, elle entrepris de m’interroger, de creuser plus profondément cette volonté de ma part de les approcher, de les rejoindre, si ils l’acceptaient… Je ne pus qu’écouter attentivement, et répondre aussi précisément que possible, pour la convaincre de ma sincérité, de mon envie de les aider…

-Oui, j’y ai longuement réfléchis, je devines les risques que j’encoure, mais je ne changerais pas d’opinion… Je suis conscient que pour vous aider, je devrais jouer un double jeu, me protégeant de leurs investigations éventuelles, ne rien laisser paraître… Pourquoi suis-je si différents des autres ?? Je l’ignore, leur supposée supériorité ne m’intéresse pas, j’ai toujours gardé en tête les enseignements premiers d’Ahmad Saria, ce qui n’est pas le cas de mes pairs qui se sont eux focalisés sur leurs pouvoirs grandissants, sur toutes ces capacités nouvelles qui au fil du temps ont été pour eux une justification suffisante à la situation actuelle, à l’asservissement des Humains…

Buvant une gorgée à ma tasse, je pris le temps de rassembler mes pensées, pour être aussi clair et précis que possible, ne voulant pas perdre de temps et montrer à mon invitée que j'avais mûris cette décision...

-Pourquoi ai-je choisi de vous approcher vous, Pacificateurs ?? Simplement, si on peut dire parce que mes objectifs se recoupent aux vôtre… Je souhaiterais voir une civilisation unie, Asariens et Humains ensemble, et non ainsi… Les Anciens considèrent en effet les Humains comme des êtres inférieurs, mais ils oublient que l’humanité garde en elle une grande force, une supériorité que les Longues Vies et leurs descendants ont perdues.. Cette force réside en vôtre sang, vous pouvez vous mouvoir en plein soleil alors que ceux ayant leurs ADN transformés par le SEER ou génétiquement peuvent en mourir… Les Humains ont su garder en eux une compassion, un altruisme oublié des Grands… Par la majorité, en tout cas… Il serait bénéfique à tous de se retrouver, d’évoluer ensemble…

Prenant alors une inspiration ayant l'impression de me jeter du haut d'une falaise, je m'engageais alors, répondant à sa dernière interrogation...

-Pour répondre à vôtre dernière question, oui, je souhaite de tout cœur vous aider, de par tous les moyens en ma possession qui pourraient vous être utiles et nécessaires… Je suis conscient de la dangerosité de cela, si je venais à être découvert, mais cela ne m’empêchera pas d’aller de l’avant, et de m’engager à vos côtés, si vous l’acceptez…

Après cette tirade, je me tus, me renfonçant dans mon fauteuil, m’ayant penché vers elle, en appuis sur mes coudes posés sur mes cuisses… Etant entrés dans le vif du sujet, je m’étais enfin engagé, et il ne me restais plus qu’à entendre la décision de cette jeune femme portant l’espoir de deux peuples sur les épaules… Oui, si elle me le permettais, je la suivrais volontiers dans son combat….

Dans le salon de cette grande demeure, l’ambiance, bien que particulière, ne pouvait qu’être le fil conducteur d’un échange que je voulais positif. Chacun de nous avait besoin d’en apprendre plus sur l’autre pour que ce rendez-vous puisse se conclure sur une nouvelle alliance. Je suivais ses déplacements, tout en restant à ma place, le laissant nous préparer du bon café. C’était bien la toute première fois que je m’adressais à un Ancien pour essayer de le rallier à ma Cause.  Comme disait le dicton : « Il y a toujours un début à tout », et je voulais croire en ce nouvel avenir.

- Très honnêtement,  s’il y a d’autres Anciens comme vous, qui pensent et qui se comportent différemment face à des humains, la peur d’être torturés ou de voir leurs vies basculées dans le néant les empêchent de faire ce pas en avant. Je ne peux les blâmer. Il est délicat dans cette situation de se dresser contre le gouvernement tout puissant. Peut-être qu’un jour, d’autres se présenteront à nous. Ils auront assez confiance en notre existence pour se dévoiler, moins peur des conséquences et nous serons là pour leur tendre la main. Mais il ne faut rien brusquer. Tout doit se faire lentement et avec précision. C’est comme cela que nous gagnerons face à nos ennemis.

Je devais me dévoiler, assez pour qu’il puisse comprendre que je n’avais aucune intention de le nuire. Alors, petit à petit, je distillais des informations sur moi, sur ce qui me liait directement à la Grande Conseillère. Mon jeune âge  n’avait rien à voir avec une quelconque lubie de ma part de jouer à la sauveuse du monde. J’avais trouvé ma voie, mon combat, mon idéal et je comptais bien le poursuivre le plus longtemps possible.

- Vous paroles sont emplies de sagesse et de beaucoup d’expérience. Avoir ce recul et se projeter dans le futur n’est pas donné à tout le monde. Je suis très touchée par vos mots. Mon combat est complexe, pénible et demandera beaucoup d’énergie et de force à celles et ceux qui voudront le rejoindre. Mais je ne suis pas une personne à baisser les bras aussi facilement.

Gabriel Nicholson, le fils d’Alianka avait été mon grand amour. Trop éphémère, son destin l’avait rattrapé et la jalousie de sa mère en même temps. Mon regard se perdit dans le vide. Sa mort était encore récente, vive et douloureuse. Je laissai mon cœur parler. Je laissai à cet Ancien le moyen de toucher la personne que j’étais. Pas une héroïne qui porte un titre de leader mais une femme qui avait connu le doute et les craintes. Je devais aussi m’enquérir de ses choix, s’il avait bien pris en compte tous les dangers, les situations dans lesquelles il devrait évoluer en jouant ce double-jeu s’il venait à rejoindre les Pacificateurs.

- Les erreurs du passé doivent nous donner cette base qu’il ne faudra jamais oublier. Nous en ferons, nous aussi des erreurs parce que c’est ainsi que nous fonctionnons tous.  La haine est un sentiment puissant tout comme l’amour. Il ravage, détruit, emporte tout sur son passage. Il est puissant et impérieux. Noble à sa façon. Deux facettes d’un même joyau. Le Ying et le Yang. Les deux émotions forment un tout. A nous de faire pencher la balance vers un côté plus serein.

Il devait prendre conscience des dangers qui le guetteraient, de cette paranoïa de devoir systématiquement faire attention à tout, s’il voulait nous rejoindre. A ce masque qu’il ne cesserait d’endosser pour se préserver. Chaque vie était importante. Chaque action l’était tout autant. L’Ancien répondait à toutes mes interrogations, aussi franc que je pouvais l’être envers lui. Il avait compris et murement réfléchi à ce que serait son quotidien dès l’instant où il acceptera d’endosser le rôle d’allier des Pacificateurs.

- Votre position sera un véritable appui. Et si en plus, vous arrivez à faire comprendre à ces personnes qui s ‘opposent de plus en plus au pouvoir, qu’ils ne sont pas seuls, nous pourrons avancer. Je vois que vous avez longuement réfléchi à tout cela, que vous êtes déterminé dans vos agissements. J’accepte avec plaisir votre alliance Monsieur McStone.  Bienvenue parmi nous.

Souriant à son souhait de construire un monde meilleur où la haine ne sera plus le premier sentiment que l'on apprendrait aux enfants, je contournai la table basse qui nous séparait pour me rapprocher de mon hôte. Sous ma longue cape, je sortis d’une poche quelque chose de brillant. De ma main de libre, je pris la sienne doucement. Je ne désirai pas qu’il recule ou qu’il ait un mouvement de rejet. Je laissai glisser dans sa paume un médaillon argenté. Il avait la forme d’un oiseau.

- Ceci représente le symbole des Pacificateurs. C’est un Phénix. Un oiseau de feu issu d’une vieille légende. Pourquoi ce symbole me direz-vous ? Le tout premier médaillon a été forgé par mon père pour moi quand j’étais toute petite. Il m’avait racontée son histoire : doué de longévité et il est caractérisé par son pouvoir de renaître de ses cendres, à chaque fois plus beau et plus fort.
La renaissance d’un monde meilleur … voilà notre combat. Je vous en prie acceptez ce cadeau. Ce médaillon est à vous, à présent. Chaque Pacificateur le porte, le protège. Ne l’affichez jamais en public, il doit rester cacher. C’est aussi une clef qui active l’entrée de notre QG qui se trouve au-delà des dômes, dans les terres sauvages. Je vous le ferai visiter un jour, si vous le désirez.

J’attendais maintenant sa réaction envers tout ceci. Je me reculai pour le laisser observer et détailler le médaillon dans sa main avec le vif souhait de savoir que nous venions, ensemble, d’écrire une nouvelle page de l’Histoire d’ Asaria.

En cette nuit particulière, je sentais que la rencontre se passant entre la jeune leader et moi était exceptionnelle, et serait riche en enseignement, d’un côté comme de l’autre… Humaine, leader d’un groupe d’Asariens et d’humains travaillant ensemble, malgré les différences pour bâtir un avenir commun, Mara était venue me voir après plusieurs tentatives de ma part pour approcher son groupe… Bien qu’étant Ancien, ma vision des choses différait radicalement de celle de mes pairs, et je n’approuvais pas leurs agissement à l’encontre des humains… J’étais l’un des rares à avoir gardé les yeux ouverts, et l’esprit sain, sans me laisser aveugler par les capacités accrues que le SEER avait apporté à ceux bénéficiant de l’injection…

De mémoire, une telle situation n’avait jamais eu lieu, ou bien avait été gardée secrète… Et cela était aussi l’avis de la jeune femme assise à mes côtés qui précisa que si d’autres Anciens croyaient en les mêmes choses que nous, alors ils viendront, il leur faudra juste du temps pour aller de l’avant malgré les risques…. Ensuite, je lui parle de moi, de mes convictions, de ce qui m’a poussé à me tourner vers elle, vers les Pacificateurs malgré ma nature…. Cela semble la rassurer quant à mes motivations… Nous sommes aussi clair l’un envers l’autre, nous dévoilant petit à petit… Les erreurs du passé, comme elle le signalait devaient servir au futur, être le terreau de nouvelles bases se développant sainement…

Après m’être engagé clairement, après avoir déclaré ma volonté de rejoindre leurs rangs si elle l’acceptait, Mara appuya mes paroles, me disant que ma position au sein même du Gouvernement serait un véritable appui pour eux, et que ma position pourrait donner du courage à ceux voulant faire de même, un Ancien qui montrerait l’exemple, en sommes… La jeune leader contourna ensuite la table base nous séparant jusqu’à présent … Sortant de l’une de ses poches un petit objet brillant, elle prit l’une de mes mains dans la sienne restée libre puis plaça doucement ce qu’elle tenait au creux de ma paume…. Ce médaillon représentait un oiseau…. Un Phoenix, symbole des Pacificateurs… Elle m’expliqua que chacun de leur groupe recevait ce médaillon, autant symbole de leur combat que clé pour accéder au QG du groupe, situé en dehors des Dômes….

- Ceci représente le symbole des Pacificateurs. C’est un Phénix. Un oiseau de feu issu d’une vieille légende. Pourquoi ce symbole me direz-vous ? Le tout premier médaillon a été forgé par mon père pour moi quand j’étais toute petite. Il m’avait racontée son histoire : doué de longévité et il est caractérisé par son pouvoir de renaître de ses cendres, à chaque fois plus beau et plus fort.

La renaissance d’un monde meilleur … voilà notre combat. Je vous en prie acceptez ce cadeau. Ce médaillon est à vous, à présent. Chaque Pacificateur le porte, le protège. Ne l’affichez jamais en public, il doit rester cacher. C’est aussi une clef qui active l’entrée de notre QG qui se trouve au-delà des dômes, dans les terres sauvages. Je vous le ferai visiter un jour, si vous le désirez.

Se reculant ensuite légèrement, Mara me donna tout le temps pour détailler ce médaillon, signifiant tant de choses….. Pensif, je le fis tourner entre mes doigts, détaillant l’oiseau de feu, renaissant inlassablement de ses cendres en un cycle infini…. Je le passais ensuite à mon cou, le plaçant sous ma chemise, invisible aux yeux d’autrui à présent, mais froid au contact de ma peau….

- Merci de votre confiance, Mara, j’espère me montrer digne de cet honneur que de porter ce médaillon et d’être accepté comme étant l’un des vôtres…. Il restera hors de vue, évidemment…Le Phoenix représente bien les Pacificateurs, en effet … Lorsque vos alliés auront confiance en moi, lorsque vous m’en jugeriez prêt, alors oui, ce sera avec plaisir que je visiterais votre QG…. Si vos alliés ont besoins d’informations diverses, la Bibliothèque Centrale leur est ouverte, j’y suis la plupart du temps, hors mes temps au bureau, il leur sera facile d’y déposer un message au besoin également…. Une page est écrite en cette nuit, n’est-ce pas ??…. De beaux lendemains verront le jour à l’avenir…

Songeur, je regardais cette jeune femme avec laquelle je venais de m’engager dans un combat de longue haleine, semé d’embûche et de dangers…. Mais ce que je venais de dire était exact… Conscient de ce à quoi je risquais d’être confronté en cas de méfiance et de doute de la part de mes pairs, je ne m’y déroberais pourtant pas, portant cette volonté au plus profond de mon âme, je marcherais au côtés de ces personnes qui voulaient d’un avenir commun, entre Asariens et Humains, eux seuls étaient clairvoyant en notre futur….