(Abandonné) L'Ours et la Chieuse, ou comment découvrir les petits secrets de l'Escadron [Pv Dallas]

Avec toute cette histoire de dôme et d’eau polluée, je ne pouvais pas non plus rester inactive au Times. La proclamation du nouvel escadron de la milice avait fait grincer les dents à certains, comme moi. Sérieux ? Van Brënner se prenait vraiment pour l’Empereur d’Asaria avec toutes ses idées tordues qui ne nous facilité pas la tâche de l’alliance que nous étions en train de construire avec les autres factions : Les Rebelles et les Insoumis. J’étais une journaliste d’investigation et le terrain était mon domaine. Certains préféraient rester devant leur ordinateur et pianoter sur leur clavier pendant des heures. Moi, il me fallait de l’action !

Ma première idée avait été de me présenter directement aux portes des locaux de la Milice. On m’y avait refusé l’entrée parce que je n’avais aucune autorisation du ministre de la sécurité ou de l’un de ses officiers. Le seul choix qui me restait, était donc de prendre rendez-vous. Encore de la paperasse administrative qui allait retarder mon approche et d’en savoir davantage sur cette nouvelle Milice. Je ne pouvais de toute manière pas faire grand-chose. J’étais donc retournée au Times et j’étais passée par le protocole hiérarchique en voyant un mail au ministre de la sécurité et grand chef tout puissant des soldats. Le lendemain matin, j’avais reçu une première réponse de l’assistante personnelle de Van Brënner qui m’expliquait que ma demande avait été prise en compte. En résumé, il fallait que je patiente, sauf que je ne l’étais jamais. Mais là j’étais un peu coincée. Sans une autorisation, je ne pourrai jamais fouiner d’aussi près cet Escadron. Je n’avais pas précisé de choix quant aux interviews que je désirai faire. Van Brënner pouvait accepter d’en faire partie ou bien me dirigerait-il vers un de ses officiers. Le surlendemain, un second mail me donna l’accord de faire un article, mais que celui-ci ne se ferait pas dans les locaux de la Milice par sécurité.  On me donnait un nom : le Capitaine Dallas Marden avait accepté ou avait été désigné, peu importe, pour cet article. C’était tout ce que j’avais avec son adresse mail.

Je le contactai aussi tôt et nous fixâmes un rendez-vous au Five pour le soir-même, à 20 heures précises. Le « Five » était un piano-bar à l’ambiance feutrée et mystérieuse, où se côtoyaient humains comme Asariens tant dans la clientèle que dans le personnel. Loin des établissements luxurieux et prestigieux que comptait la cité, celui-ci visait une population moyenne pour des rencontres d’une nuit ou pour y passer un bon moment. Lumière tamisées, musique d’ambiance, un lieu pas ordinaire et d’où personne ne ressort totalement indemne. C’était parfait pour mon article et cet homme. Je lui avais envoyé en fichier joint, le screen de ma carte de presse avec ma photo, ainsi il pourrait aisément me reconnaitre.

Je n’avais pas mis mon binôme au courant. Vous pensez vraiment que Liam me laisserait y aller toute seule ? Le soir venu, je garai ma voiture à quelques mètres du bar. A travers la vitrine, j’apercevais déjà pas mal de monde à l’intérieur. J’espérai que le Capitaine Marden allait jouer le jeu des questions/réponses sans trop de problèmes, même si je me doutais qu’il avait reçu des ordres précis concernant ce qu’il devait dire ou pas. Je fermai ma portière avec le petit bip de ma clef et je levai les yeux au ciel. Un ciel à l’extérieur qui était aussi noir que l’encre. Sous le dôme, le climat artificiel devenait de plus en plus glacial. Ainsi la population humaine se mourrait à la fois de froid et d’intoxications. Etrange aucun média ne parlait de la pollution de l’eau. Tout était resté sous silence. Je ramenai le col de mon blouson contre ma gorge et je traversai en courant la rue pour me retrouver devant les portes du Five. Je les poussai hâtivement et la chaleur, à l’intérieur fut délicieuse. Bon, dans ma hâte de vouloir une interview, je ne savais pas du tout à quoi pouvait ressembler le Capitaine Marden.  J’étais allée fouiner dans les dossiers de la Milice mais leur réseau informatique était de plus en plus difficile à passer tant les pare-feu étaient complexes et je n’avais rien obtenu sur cet homme. Tant pis ! Lui il me connaissait d’après la photo de ma carte de presse que je lui avais envoyée par copie.

Une table de libre près de l’entrée se libéra et je m’installai. Je retirai mon blouson pour me mettre à l’aise, laissant voir un léger pull qui se mariait au jean gris et aux bottines noires que je portais. Un serveur s’avança à ma table.

- Bonsoir, vous désirez boire quelque chose ?

- Bonsoir, oui, je prendrai une bière à base de vodka.

L’employé retourna au comptoir pour ma commande et je sortis de ma besace mon carnet, mon crayon et mon petit magnétophone pour enregistrer la conversation. Tout dépendrait de la permission du Capitaine. Certaines personnes n’aimaient pas ce genre de procédé et je devais alors écrire toute l’interview dans mon carnet pour ne rien oublier des informations. Une ombre se pencha au-dessus de ma table et je levai mon visage vers, non pas le serveur, mais vers un homme qui m’était totalement inconnu. Sa carrure était impressionnante et son regard pouvait s’apparenter à celui d’un prédateur prêt à bondir sur sa prochaine proie. Je ne me laissais guère intimidée. Je lui tendis ma main pour faire les présentations.

- Capitaine Marden, je présume ? Héléna Carter, journaliste au Times Révolution. Merci d’avoir accepté cette interview. Je vous en prie, installez-vous. Pas facile d’accéder au personnel de la Milice ni à ses locaux pour avoir des précisions sur le nouveau bijou du Général Van Brënner. J’espère pouvoir en apprendre davantage avec vous, ce soir …

Quelque chose m’avait interpellée juste avant de voir arriver l’imposante musculature du Milicien. J’avais pu remarquer l’entrée de deux soldats qui scrutaient et observaient l’intérieur du bar. Il n’en fallut pas plus pour me faire comprendre que mon rendez-vous était là. Une silhouette se détacha alors pour venir vers moi. C’était bien la première fois que je voyais un Capitaine de la Milice dans un costume noir. Sa chemise rouge apportait une touche sombre et mystérieuse à l’homme qui me fit face quand il s’approcha de la table. Bon OK ! Je n‘avais jamais interviewé de soldats. Le Général Van Brënner était toujours bien habillé, que c soit en tenue militaire ou costard-cravate. Mais là, je devais avouer que j’étais la première surprise. Ce type avait fait l’effort de s’habiller tandis que moi … et bien… par rapport à lui, j’étais dans ma tenue très classique de la journaliste de terrain.  Alors que je me présentais en lui tendant ma main, je fus très étonnée de recevoir un baisemain. Non pas que j’étais quelqu’un de bornée et qui se faisait une seule idée en pensant que dans la Milice, tous ces soldats n’avaient pas un gramme d’éducation, mais je m’étais pas imaginée mon entrevue de cette manière-là.

- La prochaine fois, promis, je mets une robe de soirée ! La secrétaire du Général aurait dû m’avertir sur la tenue à porter.  J’ai l’habitude de faire mes interviews en tenue décontractée. Je vous en prie, asseyez-vous. Vous n’allez pas rester debout toute la nuit.

Un petit clin d’œil mutin et je lui présentai de la main, la chaise face à moi. Une petite touche d’humour ne faisait jamais de mal à personne et je n’étais pas une Reporter à bouder un peu de malice dans les échanges. D’ailleurs, j’avais dû au fil des années, prendre exemple sur Liam et sa façon de séduire tout ce qui pouvait porter des jupes et des talons hauts.  Un serveur s’avança à la demande du Capitaine qui commanda une bouteille de champagne. L’employé du Five me dévisagea avec ma canette de bière que je tenais entre mes mains et je haussai les épaules en le fixant tout sourire sur les lèvres

- Je vais finir ma bière et oui ! Je prendrai du champagne après. Cela vous pose-t-il un problème ?

Je haussai un sourcil et le serveur, d’un âge plus jeune que moi se mit à rougir et à baisser les yeux. Il balbutia quelques mots et  se retira rapidement de notre table comme s’il venait d’être piqué pas une abeille. Je reposai enfin mes yeux sur le Capitaine.

- Ce n’est pas évident d’avoir une interview d’un membre de la Milice et encore plus de celui de l’Escadron. Il m’a fallu faire des démarches administratives pour avoir l’autorisation. Bien, je ne vais pas vous faire perdre votre temps plus que cela Capitaine Marden. Puis-je enregistrer votre conversation ? Si vous ne le souhaitez pas, je ne prendrai que des notes. J’ai l’habitude de l’un comme de l’autre. Je laisse toujours le choix aux personnes que j’interview.

Je bus la dernière gorgée de ma bière et j’activai mon petit magnétophone. Le Capitaine pourrait l’arrêter à tout moment si cela le gênait au fil de mes questions.

- Asaria possédait déjà la Milice municipale qui protège la population, la Milice anti-émeute. La Milice des frontières qui surveillent les allées et les venues entre nos dômes et l’extérieur. Et Aujourd’hui voici que le ministre – général Van Brënner a décidé d’ajouter à ces trois corps armés, un quatrième : l’Escadron d’Elite. Pensez-vous que c’était nécessaire ?  N’est-ce pas un peu TROP d’avoir autant de Milice autour de nous ? Est-ce que le Général a peur d’un mouvement de rébellion ? De terrorisme venant des factions traîtres à note cité ?

Je n’aimais pas perdre mon temps en questions banales. Toujours droit au but, telle était ma devise. Notre jeune serveur revint avec une bouteille de champagne dans son seau à glaçons et deux coupes qu’il posa devant nous. Le breuvage pétillant coula dans nos verres. Il n’ajouta rien et nous laissa de nouveau, seuls en tête à tête.

- Capitaine Marden, dans quoi étiez-vous avant d’intégrer l’Escadron d’Elite ? Quel est votre parcours militaire ?  Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir un soldat ? Une envie ? Par devoir ? Un membre de votre famille ? Si mes questions sont trop indiscrètes, dites le moi. Je suis bien là pour en savoir davantage sur l’Escadron, mais j’aime aussi savoir à qui j’ai à faire. Cela donne plus de profondeur à mon article si mes lecteurs en savent un peu plus sur la personne que j’interview.

Je pris ma coupe de champagne entre mes doigts et je la levai devant moi.

- A quoi doit-on trinquer Capitaine ? A la prospérité de votre Escadron ? A votre devoir de protéger les Innocents ?