Une autre voie ? {Héléna}

Je venais tout juste de terminer de relire mon article sur les énormes générateurs de températures qui faisaient la pluie et le beau temps sous chacun des dômes en verre composant l’immense cité d’Asaria. J’allais encore me faire taper sur les doigts. Mais ça, j’en avais l’habitude depuis des années que je bossais au Times. Toute façon, on ne m’avait pas engagée pour mes beaux yeux mais pour mes compétences de journaliste … Quoi qu’aujourd’hui, cela puisse être fortement ambigu puisque j’étais devenue il y a presque un an, la femme du boss, l’épouse du ministre des médias.  Malgré ma nouvelle position de « femme de … », il était hors de question pour moi de montrer en avant  et de me servir de mon nouveau statut d’épouse. Ici entre ces murs, j’étais restée la reporter que tout le monde connaissait bien. Bien sûr, il y avait eu une période de flottement où mes camarades ne savaient pas comment réagir devant moi parce que j’étais devenue l’épouse du patron. Pourtant, j’avais œuvré toutes griffes dehors sur le fait que je tenais à demeurer Héléna Carter. C’était aussi pour cela que je n’avais pas modifier mon badge qui ne mentionnait pas le nom de Van Harper, que j’avais demandé à garder le même bureau dans cet immense « open space »  parce que c’était là ma passion : travailler en équipe et pour ce journal. J’avais su trouver le bon équilibre entre ma vie professionnelle et ma vie privée et je comptais bien que cela se poursuive dans cette même voie. J’enregistrais mon article, l’envoyant directement vers l’imprimante centrale pour en faire deux copies, buvant la dernière goutte de café de mon gobelet qui trouva sa fin dans ma corbeille à papier.  Je me redressais de mon fauteuil récupérant mes feuilles : l’une que je posais à la secrétaire d’Oliver qui la ferait passer à mon époux. Je lui avais parlé de mon sujet et pour ne pas éveiller les soupçons, j’avais joué très malin : j’avais interviewé des Miliciens qui se plaignaient du froid qui persistait et qui augmentait un peu plus chaque jour sous le dôme des bidonvilles. Je désirai démontrer à beaucoup que cette augmentation de température n’avait qu’un seul et unique but provenant du gouvernement : éradiquer les pauvres humains qui vivaient dans la misère. Je remerciais d’un signe de tête l’assistante du PDG pour faire demi-tour et me diriger vers la salle de l’impression du journal. Mon article devait apparaitre dans l’édition de demain matin et on n’attendait plus que moi. Mes talons claquaient sur le carrelage brillant du Times. Je connaissais par cœur toutes ces salles, les bureaux comme les archives. Cette immense bâtisse était devenue au fil du temps ma seconde demeure parce que j’y avais vécu mais plus grandes passions  et mes plus grands combats en tant que Pacificatrice.

Ma copie entre les mains de l’opérateur de l’impression, et je retournais vers la salle de presse.  Sauf que mon estomac criait famine à cette heure de la matinée. Malgré un copieux petit déjeuner, parce que je pouvais engloutir la part de deux personnes sans prendre un gramme supplémentaires sur les hanches, j’avais encore faim. L’ascenseur m’arrêta au rez de chaussé et comme quotidiennement, l’accueil grouillait de gens qui désiraient approcher le Times et ses journalistes croyant avoir un scoop à proposer.  La pièce glissa dans la fente métallique avant de pouvoir retirer ma barre aux céréales enveloppée de chocolat. J’adorai cette ambiance vive et intense autour de moi, ce brouhaha qui pouvait être particulièrement énervant et assourdissant si on n’était pas habitué. J’observais tout ce qui se passait autour de moi, croquant dans ma barre sucrée avant de poser mon regard sur une jeune femme qui paraissait perdue, immobile devant le comptoir des hôtesses. Je n’étais ni télépathe, ni empathe mais j’avais appris à me fier à mon instinct et à mon expérience.  Je savourais le reste de ma barre  avant de m’avancer vers l’inconnue, lissant la veste de mon tailleur- jupe. Je m’avançais alors vers elle, la contournant pour arriver face à elle, un sourire sincère sur mes lèvres rosées.

- Excusez-moi de me montrer si directe, mais vous semblez perdue ? Je peux peut-être vous aider ?

Je lui tendis ma main pour me présenter bien que mon badge pouvait le faire aussi bien pour moi mais j’aimais aussi la communication avec les autres.

- Héléna Carter, je suis journaliste, et je connais cet endroit sur le bout de mes doigts. Le bâtiment est immense et peut paraitre froid et étourdissant pour ceux qui n’ont pas l’habitude  d’y venir.