Event : Faits comme des Rats (pv Humains du bidonville, Milice des frontières, Paces)

Suivant Mara comme son ombre, je zigzagait ça et là dans les décombres qui nous entouraient. Mon regard se portant sur ces efforts que l'humaine effectuait dans l'espoir de venir en aide aux victimes de cette catastrophe. Belle démonstration de détermination et en même temps si futile. J'en aurais presque lâché un soupir tellement cela me semblait désespérant. Comment pouvait elle s'accroche à quelque chose d'aussi vain que l'espoir? Etait donc la seule et unique chose qui pouvait maintenir l'Homme en vie et le faire avancer, se réveiller chaque matin pour aller de l'avant? Pitoyable...

Mes propos n'avaient pas laissé la gente dame de glace. Bien au contraire il semblerait que ses derniers eurent rapidement fait remonter de lointains souvenirs de sa mémoire torturées. Il est des blessures qui malgré les années qui passent ne cessent de nous hante sans pour autant que l'on arrive à en guérir. Le visage de mon interlocutrice s'était refermé. Plus grave, et plus sérieux que tout à l'heure. Un mouvement en direction de sa gorge me fit comprendre que quelque chose lui était revenu à l'esprit. Un mauvais souvenir peut-être. Allez savoir. Mais son regard semblait fixer un point au delà de ma personne. Sans suivi alors de retentissantes explosions. Pourtant je n'eu pas le temps de me retourner car déjà ses lèvres s'entrouvrirent laissant sa voix monter jusqu'à mes oreilles. Macabres mes histoires? Pourquoi? Parce que je faisais part d'une vérité plus que réaliste. Parce que je me contentais de peindre le tableau de ce monde dans lequel nous vivions à l'intérieur duquel "l'espoir" n'était que le prétexte du pauvre et du faible pour s'accrocher désespérément à la vie?  

Sortant un blaster de sous sa cape, la voilà me menaçant. Posé, je la regardais avec une paisible tranquillité et en guise de réponse face à son geste je me contentais de tendre mes bras, lui offrant ma poitrine. Bien, j'attend. Qu'elle me montre comment elle espérait obtenir cette paix dont elle rêvait tant. Mais quel goût cette dernière aurait-elle si elle devait passer par le chemin des armes? Mara...Nan, les Pacificateurs se battaient contre des moulins à vent, c'était pour moi une certitude depuis des dizaines d'années maintenant. Ce monde était corrompu et souillé depuis des années. Chacun avait fait l'autruche en se berçant d'illusions, refusant de voir la réalité. Asaria n'était plus...Et il fallait y mettre un terme. Faire table rase du passé pour aller de l'avant...

Pourtant pas de tir, pas de détonation provenant de son arme...Tel la victime d'un illusionniste captivé par la main qu'on lui tendait je n'avais pas prêté attention à l'autre, dissimulée sous la cape qu'elle portait. Aussi n'eu-je pas le réflexe de me protéger les yeux lorsque cette lumière aveuglante déchira les ténèbres de cette nuit des plus agitée. Une veine tentative pour détourner le regard mais trop tard. Ma vision s'était brouillée, assez de temps semble-t-il pour que l'humaine ne reprenne sa course...

Sous mes paupières un véritable feu d'artifices à tel point qu'il me fallut quelques secondes pour retrouver l'usage de mon acuité visuelle. Cette mésaventure me rappela la technique d'évasion utilisé par Hasard lorsqu'il sauva la vie de Mara. Une lumière aveuglante s'était répandu dans toute la salle afin de faire diversion et leur permettre de s'enfuir. Pourtant l'un des invités ne s'était pas fait prendre au piège...Jezebel avait su déjouer la manoeuvre ce soir là. Mais Jezebel avait disparu, Gaïus n'était pas là ce soir, et Mara avait dû se débrouiller seule. Avec un certain brio je devais le reconnaître. Néanmoins ce n'était pas partie remise. D'abord quelqu'un avait cherché à me tirer dessus lorsque je partageais avec le monde mon goût de la musique et maintenant c'était comme si je venais de me prendre un coup de stroboscope en pleine gueule... J'avais un peu trop baissé ma garde à mon goût en si peu de temps...

Il était hors de question qu'elle m'échappe. La laisser me filer entre les doigts aussi facilement n'était pas une option que je m'étais imaginé. J'allais me remettre en chasse lorsque tout à coup, un frisson me parcouru le dos. Quelque chose venait de me caresser le fessier. Stoppé net dans mon vol je fis volte-face pour observer une scène sortie tout droit d'un conte pour enfant. Devant moi s'éloignait avec lenteur ce qui s'apparentait le plus à des ailes d'un noir profond. Et au bout de ces dernières une silhouette humaine. Là, en pleine bataille, au dessus de la mêlée, un ange avait fait son apparition et observait le chaos qui régnait sur la cité. Etait-il l'annonciateur de la fin d'Asaria? Mes yeux ne pouvaient se détacher de cette vision. S'est alors que je sentis quelque chose couler le long de ma joue. D'un rapide mouvement du majeur je chassais cette désagréable sensation et observa avec surprise qu'il s'agissait d'une larme. Etait-ce dont cela qu'on nommait la joie? A la simple vue de cette minuscule goutte je ne pu m'empêcher de sourire, pour ne pas dire rire.  Là, devant moi, se dressait un être d'un tout autre niveau. Mon sang bouillonnait dans mes veines et tout mon être ne vibrait que pour découvrir qui il était. Jamais auparavant je n'avais été aussi excité. Quoi que...A bien y réfléchir j'avais déjà connu ce sentiment il y a peu de temps... Lorsqu'Aaron était entré en transe. Il s'était dégagé de son corps une puissance incommensurable qui m'avait fasciné.

J'avais, comme on dit, la tête entre le marteau et l'enclume. Je ne pouvais laisser Mara m'échapper, mais ça...Levant une main avec lenteur, je caressais cette image d'un bout des doigts. Reverrai-je un jour un être d'une telle ampleur? Gravant à jamais cette apparition dans ma mémoire je me forçais à m'éloigner reprenant mon vol vers mon objectif premier...

Cette dernière n'avait pas chômée pendant mon moment d'absence. Blessant les soldats pour permettre aux Humains de contre-attaquer, elle leur indiquait la direction à prendre pour sortir de cet enfer. Mais le chemin entre les deux points ne seraient pas aisé et il était certain que des pertes seraient à déplorer parmi eux. Croisant leur route, j'en vis s'arrêter pour m'observer... Comment pouvait-on s'arrêter dans un moment pareil, fallait il être stupide? Correction, humain serait plus juste...Agacé par un tel comportement je ne pu m'empêcher de leur hurler...

- A quoi vous jouer là? Vous pensez vraiment que c'est le moment de se rincer l'oeil? Dépêchez-vous!!!

Je n'avais pas pris la peine de ralentir ni même de me retourner. Ils étaient livrés à eux-même maintenant. Et personnellement ça ne me faisait ni chaud ni froid...Enfin je me retrouvais de nouveau près d'elle...

- N'est ce pas leur donner de faux espoirs que de leur promettre cette liberté? Combien d'entre eux perdront la vie en chemin? Combien d'âmes auras-tu encore sur la conscience? Ne te voilerais-tu pas la face en espérant qu'ils seront tous épargnés? Que pourras-tu faire contre une balle perdue, une avalanche de gravats? Oserais-tu me dire qu'en agissant comme tu le fais tu leurs donne une chance de survie qu'ils n'auraient pas au départ? N'est ce pas cruel de leur faire miroiter une vie meilleure? Et....ATTENTION!!!

Fonçant sur la Pacificatrice je la poussais d'une trajectoire de balle qui termina dans mon épaule. Tapis dans les décombres un Milicien venait de tenter sa chance en voulant supprimer ma proie. Un genoux à terre, ma main droite pressant mon épaule meurtrie je ne pu refréner une grimace. Mais la douleur laissa rapidement place à la colère. Et sous la pulsion d'une montée d'adrénaline je m'étais redressé, pointant ma main comme une arme et venait de presser sur une détente invisible. Pas un bruit, pas une détonation, et pourtant l'Asarien s'affaissa sur le sol, un trou de la taille d'une balle entre les deux yeux...

Quelque chose venait de se passer. J'étais à terre sans savoir comment je m’étais retrouvée là.  Je me souvenais d’avoir couru jusqu’à ces humains, parqués comme des bêtes, derrière des barrières et tenus en joue par les Miliciens qui ne les laisseraient pas passer. Les Pacificateurs avaient fait diversion, mais j’avais rencontré sur ma route … un adolescent qui connaissait mon identité.  Je me redressai sur mes jambes. Il n’y avait pas que cela. J’avais entendu une voix dans ma tête celle de Leroy … Ses mots me revenaient avec une précision extrême : quelqu’un contrôlait le temps et il l’avait utilisé sur le bidonville.

Les flammes jaillirent tout autour de moi : puissantes, infernales, aveuglantes. Je dus me protéger en levant ma main devant mes yeux. Nous étions en Enfer. Je ne voyais plus rien, tout comme je n’étais pas certaine d’avoir vu un Ange dans le ciel du dôme. Je levai mon visage et je le vis de nouveau, ses ailes déployées. Ses yeux se posèrent sur moi et un frisson me parcourut soudainement tout le corps. Ses cheveux longs, blonds, virevoltaient sur ses épaules, dessinant une auréole majestueuse.  Ce visage était si … si ...

Les explosions, les détonations, la tempête de feu, l’agonie  de tous ces gens et de mes alliés, de mes amis, le hurlement des ordres des Miliciens , cette pluie de tirs, me tirèrent de cette contemplation qui avait les traits du désir et du passé. On dit souvent qu’à la porte de la mort, on revoit les visages de ceux que nous aimons … Ma destinée s’écrirait-elle cette nuit ?  Cet Ange au regard si familier était-il venu pour me guider vers l’au-delà ? Peut-être … Mais j’avais encore l’énergie nécessaire pour abattre mes dernières cartouches.

* Leroy si tu m’entends, tu dois mettre le plus de monde à l’abri. Il faut se replier le plus loin possible du bidonville. Personne ne passera plus … Combiner vos pouvoirs pour sauver le plus d’innocents.  Partez d’ici ! Je vais leur donner de quoi les distraire ! *

De dessous ma longue cape, je sortis mes deux flingues et je me mis à courir à travers le déluge des flammes et des tirs des Soldats.  Les corps tombaient comme un château de cartes devenu trop fragile devant l'ouragan démoniaque. Je sautai ces cadavres calcinés par les canons napalms et je tirai sur les Miliciens qui gardaient le parc des humains. Ils tirèrent sur moi, mais je fus plus rapide. Je pris de la vitesse et je me laissai glisser à terre tout en continuant à les bombarder. Les humains prisonniers se libèrent et firent basculer les barrières.

- Vous ne pouvez plus sortir par le dôme ! Il faut quitter le bidonville ! Retranchez-vous vers le marché aux esclaves !

Il n’y avait plus d’enfants ! Je le savais. Ils étaient partis avec le groupe des Insoumis comme me l’avait proposé et certifié le leader du groupe. Mais ils restaient encore tellement d’hommes et de femmes … Mes deux chargeurs vides chutèrent à mes pieds au même moment où je me relevai en récupérant d’autres chargeurs à ma ceinture.  Je représentai une maigre défense face à la force de frappe de la Milice. Les lance-flammes ratissaient et nettoyaient tout ce qui se trouvait sur leur chemin.  Le feu m’encercla, brula ma cape que je retirai prestement. Des tirs me touchèrent à la hanche et à la cuisse et je mis un genou à terre, lâchant l’une de mes armes. Je jetai  un coup d’œil derrière moi, par-dessus mon épaule pour voir les humains fuir et tenter d’échapper à la folie des Asariens …

* Amaria … prendre … direction du marché … peut-être voir les égouts … l’ancienne base du métro … Regroupe avec Leroy le plus d’humains possible … Le bidonville est devenu …un piège géant qui va refermer sa gueule béante sur nous tous …*

Une douleur vive se propagea au niveau de mon poignet … quelque chose d’étrange  se dessinait à même ma peau … un signe … un symbole …

La carcasse du blindé se décomposait devant mes yeux et devant ceux de Scarlett et de sa petite protégée. Celui ne ferait plus aucune victime, mais il y en avait tant d’autres … Je me retournai vers elle, à sa question et je hochai la tête :

- Oui, c’est moi. C’est l’avatar de mon pouvoir sur le feu.

Et bien plus que cela. C’était aussi le symbole des Pacificateur qui s’était élevé au-dessus de la Milice. Nous avions atteint le barrage et grâce aux Miens qui avaient fait diversion, les soldats étaient occupés à répondre à nos attaques. Je divisai alors mon bouclier en deux entités : la première me protégeait avec Scarlett et la petite fille. La seconde s’était formée en une sorte de tunnel invisible et résistant qui se déployait de l’intérieur du dôme jusqu’à l’extérieure, c’est-à-dire jusqu’aux terres sauvages. Les premiers humains avaient compris que l’armée s’était éloignée des points stratégiques qu’elle devait garder pour donner l’assaut.

Les âmes perdues du bidonville traversèrent sans problème le dôme, s’engouffrant dans ce pont invisible. Seul le bruit des tirs qui se répercutait dessus, faisait apparaitre par petites intermittence de quelques secondes, la coupole télékinétique. Un bouclier imperceptible pour les yeux et pourtant bien présent. Nous allions pouvoir faire évacuer les humains tant que la Milice et sa force seraient retenues ailleurs, par nos attaques. Tous ces hommes et ces femmes courraient vers nous, mais déjà la Milice s’était ressaisie. J’avais vu ces armes pointer dans notre direction et puis … plus rien …  Tous ses soldats rangés dans un ordre parfait pour une progression sans pitié venaient de se retrouver sans arme. A ce même instant, un jeune homme aux cheveux long, vêtu d’une toge et d’une Claymore venait d’apparaitre à nos côtés. Ma psyché  se fraya un chemin vers cet inconnu et ma curiosité fut frappée par une découverte venue …du passé …

J’aurai pu maudire celui ou celle qui était à l’origine d’autant de cruauté, pourtant mon esprit ne me trompait pas … La conscience de cet Etre était composée d’une même partie de mon code génétique … C’était … Lui …. Non …

Mais quelque chose se produisit … que seuls certains esprits peuvent comprendre et vite analyser. Des minutes perdues  par une manipulation du temps … Je n’avais rien vu, mais je l’avais ressenti. L’esprit d’un télépathe aussi puissant que moi pouvait deviner les perturbations causées par le déchirement d’une brèche temporelle. La voix de Leroy me parvint, mais je n’arrivais pas à bouger comme je le souhaitais. Leroy avait créé une dimension temporelle pour nous permettre de communiquer. Je clignai des yeux pour m’adapter aux scènes figées. Tout le monde s’était immobilisé.

* La combinaison de dons a déjà été prouvée, Leroy. Elle demande beaucoup de concentration. Notre point fort, c’est que nous sommes télépathes tous les deux et que ce pouvoir peut devenir notre lien, comme une sorte de fil, de câble qui relirait nos capacités. Il faut associe tes Ombres et Mon feu et diriger ces entités vers les troupes. Referme la brèche… *

Le temps reprit son cours comme si celui responsable de cette manœuvre avait fini de jouer au marionnettiste avec nous. L’homme à la toge avait disparu. Je retrouvai le contrôle du tunnel télékinétique et je laissai mon esprit parcourir les mètres qui me séparaient de Leroy pour affirmer et souder nos télépathies l’une à l’autre.  Je devrai rester concentrer sur le bouclier et  unir ma pyrokinésie aux Ombres de Leroy.

Les canons napalms expulser leurs flammes mortelles sur les humains, d’autres s’écrouler sous les tirs incessants des soldats. J’avais vu certains atteindre les terres sauvages. Ils seraient sains et saufs de l’autre côté. Mais, j’avais trop présumé de mes forces. Dispersées ainsi, je m’affaiblissais et le tunnel invisible subissait les armes de la Milice. Je devais tenir coute que coute. Je sentis alors une autre perturbation, après celle du temps. Quelque chose s’était encore modifiée et j’entends des grésillements proches de notre position. Les Miliciens braillaient des ordres et je perçus leurs données : les barrages venaient d’être électrifiés. Soudain l’horreur coula dans mes veines et mon lien avec Leroy et nos pouvoirs se dissipa instantanément.

- NooooooooN !

* Leroy ! Mara ! Pacificateurs ! Il faut détourner la population des barrages ! Ils vont mourir électrocutés ! *

Je retirai mon bouclier télékinétique et je provoquai une sorte de mur invisible qui stoppa ces hommes et ces femmes qui courraient vers morts. Les premiers furent sonnés lorsqu’ils entrèrent en contact avec ce rempart qu’ils ne distinguaient pas. Les autres freinèrent leur course, apeurés de ne plus pouvoir rallier les terres sauvages. J’usai de ma télépathie pour lancer un appel à tous ces Humains

* Faites demi- tour ! Vous ne pouvez plus passer les barrages ! Vous serez électrocutés ! *

Je captai les pensées de Mara à ce même instant … Une Mara faible, blessée …combattante jusqu’à son dernier souffle. Des larmes silencieuses coulèrent sur mes joues. La chaleur des cratères enflammés et les Miliciens qui fonçaient sur nous et la force de notre leader, me donnèrent une raison de continuer à protéger les derniers survivants. Je présentai ma main à la jeune femme qui n'avait pas cessé d'affronter l'enfer sans montrer sa peur.

- Scarlett, tenez bien la fillette avec vous. Et gardez votre main dans la mienne. La Milice a fait en sorte de nous piéger dans le bidonville …

Le feu contre le feu. La télékinésie et ma pyrokinésie formèrent un garde-fou contre ces attaques persistantes et on se mit à courir ensemble vers les directions que Mara avait indiquées.

- Nous allons chercher le moyen de rejoindre les égouts. Si nous ne pouvons pas, nous nous éloignerons du bidonville et on se dirigera vers le marché aux esclaves.

* Leroy, je fais évacuer les humains vers les deux points de replis qu’a nommés Mara. *

La balle avait déchirée ma chair, mais rapidement la plaie commençait a disparaître. Le blood healer faisait son office est régénérait mes cellules avec une rapidité hors du commun. Bientôt ce fût comme si cette plaie n'avait jamais excitée. Lointain souvenir ne laissant derrière lui que le trou fait dans mon haut, et la trace de sang que la fibre avait imbibé. J'aurais pu accélérer le processus avec mon don temporel mais à quoi bon... Surtout qu'au moment où me venait cette pensée un bouleversement dans le flot temporel me fît lever les yeux vers le ciel. Quelqu'un usant du même don que moi venait de projeter sous le dôme une onde qui avait figé toute choses. Plus un bruit, plus un cris, un silence de mort s'était répandu sur la zone comme on mettrait un film sur "pause". Les flammes ne dansaient plus, les balles tirées étaient en suspension. Il aurait alors été si facile de les rediriger vers les humains, pour qu'une fois cette faille refermée ils ne puissent comprendre ce qui leurs étaient arrivés. Tellement de possibilités, mais pour l'heure mon regard scrutait le ciel, fixant cet hélicoptère dans lequel provenait la source de ce pouvoir.

Pas de doute possible, il ne pouvait s'agir que de la signature de Tomas. Si les flux du temps pouvaient avoir une odeur la sienne empesterait sans problème la mort et le carnage. Tel le lion lâché sur les chrétiens qui n'en aurait fait qu'une bouchée malgré les supplications...Il y avait quelque chose de vulgaire, de tellement commun dans son utilisation de ce don. Certes pouvoir figer toute zone demandait une puissance colossale mais quand même... Soupirant face à cette emploi absurde je détachais mon regard de l'engin pour laisser mes iris se poser sur celle qui depuis peu était à terre. Sur son visage la surprise probablement dû à ma mise en garde et mon geste... J'aurais pu la tuer sur le champ, cela aurait été si simple. M'agenouillant près d'elle, ma main hésita un moment avant de se laissé guider, attirée par ce visage de guerrière. Mais je fus interrompu par un bruit approchant. Non loin de là l'écho d'une course dans cette rue me sortie de mon observation. Se pouvait-il que le temps ne commence à reprendre ses droits? Que l'engrenage se soit remis en route? Nan? Je l'aurais forcément senti. Cela voulait donc dire qu'une autre personne dans cette bataille n'était pas sujette aux lois du temps comme pouvait l'être Tomas et moi. Mais qui était-elle?

M'éloignant du corps de la Pacificatrice dans un bon aérien je m'étais tapie dans les décombres avoisinantes. Assez près pour bien voir et assez caché pour ne pas être surpris. Puis le silence, pas un bruit...D'abord une ombre et puis tout à coup la silhouette d'un homme. Et quel homme...Leroy McStone s'il vous plaît. Je cru d'abord qu'il voulait capturer la gente dame au sol, mais lorsque je le vis user de son propre contrôle du temps pour la libérer cela ne fît plus le moindre doute dans mon esprit, Leroy était un traître au Gouvernement. Intéressant...Très intéressant...

Puis aussi vite qu'il apparut, il s'en retourna pour je ne sais quelle autre affaire. Chaque chose en temps et ça j'en savais quelque chose. D'ailleurs en parlant de temps, cette fois-ci ce n'était pas une impression. Ce concept humain venait de reprendre sa course. Les sons environnants émergèrent de leur mutisme forcé. Les pleurs, les cris, une mélodie tellement symphonique. Mettons de côté l'odeur de chair calcinée et c'était un merveilleux spectacle que la cité allait inévitablement connaître un jour...

Une fois de plus, robin des bois des temps modernes, Mara s'était jetée dans la bataille. Tête brûlée, désireuse de venir en aide aux plus démunies et menacées, elle avait fît de sa condition d'humaine pour tenter vainement de sauver le plus grand nombre. Le courage et la bêtise ne faisait pas bon ménage et ça je n'avais pas l'impression que la demoiselle ne le sache. Fallait-il qu'elle soit blessée pour qu'enfin elle s'en rende compte? Et cela serait-il efficace pour autant? D'ailleurs des tirs finirent par la toucher à la hanche et à la cuisse la faisant inévitablement mettre un genoux à terre...Cette fois-ci s'en était trop. Je ne l'avais pas sauvé une première fois pour qu'elle me claque maintenant entre les doigts. Mara était ma proie, mon trophée. Il n'y avait que moi qui puisse faire gicler son sang vermeil de sa chair rosée. Moi et personne d'autre...

Un claquement de doigt raisonna dans toute la rue...

- Quelle femme stupide tu peux être Mara...A quoi bon tout ça dis moi? A quoi bon se battre pour ce monde qui n'a apporter que désespoir et corruption? Tu te berces d'illusions, persuadée que ta cause et juste et que tu fais cela pour un monde meilleur. Mais que gagneras tu une fois cette bataille terminée? Seulement le droit de te battre encore et toujours. L'utopie n'existe pas en ce bas monde. Il n'est que souffrance, mensonge et trahison. Le sauveur d'aujourd'hui fini inévitablement par devenir le tyran de demain aux yeux de ses contemporains. L'histoire se répète mais vous n'apprenez pas. Vous vous confortez dans votre subjectivité. Il n'y a pas un camp qui soit plus intelligent et plus malin qu'un autre. Vos causes sont juste à vos yeux mais scandaleuses par certains. Jamais ce monde ne saura connaître l'harmonie parfaite.

Je marchais d'un pas tranquille près d'elle, la laissant dans sa douleur et sa souffrance. Ces blessures elle les avait voulu. Elles résultaient d'un manque de jugement à mes yeux. Elle voulait sauver ces humains? Mais n'avait-elle pas compris qu'en faisant cela elle les avait condamné à mort? Combien de ceux ayant la chance de sortir du dôme réussiraient à survivre dans les Terres Sauvages? Car connaissant Tomas la chasse à l'homme ne connaîtrait pas de fin... Les Pacificateurs voulaient changer le monde mais le pétard qu'ils avaient allumés venait de leur exploser entre les doigts et à présent ils ne pouvaient qu'espérer sauver les meubles...Pathétique...Jetant un regard sur mon interlocutrice je poursuivis...

En face de nous, des humains affolés par l'avancement de la Milice se ruaient dans notre direction. Pourtant je ne bougeais pas, me contentant de jeter sur cette foule un regard vide. Mais cela n'arrêta pas leur course, se rapprochant de plus en plus près. Ils allaient finir par nous piétiner si cela continuait... C'est alors, et malgré une collision qui s'annonçait inévitable, les groupes nous traversa comme un couteau rentrant dans du beurre. C'était comme si nous étions transparent, invisible. Mais pour être plus exacte, j'avais pris l'initiative de nous projeter elle est moi dans une autre dimension. Proche de notre monde actuel nous étions désormais que de simple spectateur de ce carnage. Interagir et communiquer, même télépathique, était de l'ordre de l'impossible. Mara devait récolter ce que ces rêves utopiques avaient semé.

- Vous êtes responsable de cette situation Pacificateur. lui dis-je en lui pointant du doigt le corps d'un humain qui venait de s'effondrer au pied de la Pacificatrice. Dans le regard de l'humain, cette peur de la mort, se désir de continuer à vivre et tremblant fébrilement ce "et si" qui nous traversera un jour l'esprit lors de notre dernier regret...Puis plus rien.

-Votre arrogance va entraîner la mort de nombreux humains. Vous ne donnez même pas la moindre valeur à votre propre vie. Seul compte la cause. Mais est-ce cette cause qui bordera Héméra le soir? Lui lira une histoire avant d'aller se coucher? La fera rire et la verra grandir? Oh je te vois venir...Les Pacificateurs sont une familles et blablabla...Tu pourras me sortir toute les niaiseries du monde pour te justifier mais cela ne réchauffera pas la petite lorsqu'elle sentira ce vide que tu auras laissé dans son coeur. Un vide que tous les Pacificateurs du monde ne sauraient combler...

La fatalité de la vie sortait d'entre mes lèvres. Je n'avais pas de raison de ne pas dire ce que je pensais. Mais une nouvelle carte attira mon attention. Me précipitant vers elle, saisissant son poignet, je vis se dessiner un signe. Et quel signe! La forme n'était pas sans me rappeler celui qui était apparut sur le poignet d'Aaron... Hypnotisé par ce dernier, je finis par reculer de la jeune femme... Mais qu'est-ce que ça pouvait bien dire?

L'air commença à se refroidir autours de moi. Pas cette morsure propre à la glace, mais une froideur que l'on ne connaît en général qu'au moment ou la vie s'échappe de notre corps. Le froid du vide et de la mort. L'aura se dégageant de mon corps avait quelque chose d'inévitable. A son contact la vie avait cessé d'exister. Amour, joie, tristesse, colère, autant d'émotions qui avaient disparu de l'atmosphère au fur et à mesure que mon aura grandissait. Ne restait plus que le néant, le vide. Mon visage s'est muré d'un une neutralité angoissante . Mon regard, impassible. Je m'étais élevé dans les airs sans m'en rendre compte toisant la femme amoindri devant moi...

- Qui es-tu vraiment Mara Jade???


C'était maintenant que les choses sérieusement allait commencer. Il était hors de question qu'elle ne m'échappe.

L'urgence, la peur, la haine, le stress … tout cela n'augure rien de bon et handicape mes pensées et mes mouvements. Malgré les faibles températures que le dôme connaissait depuis quelques jours, je me sens bouillonner. La chaleur du feu associée aux sueurs créées par la tension qui habite mon corps me met en nage, la poussière environnante venant s'accrocher à ma peau et mes vêtements
…
Il y a trop d'informations à assimiler, et à peine as-tu réussi à savoir comme agir face à l'une d'elle qu'une autre apparaît. Et cette fois, c'est cet homme ailé. A travers la fumée environnante, je le dévisage, mais trop vite celui-ci reprend son envol. Et pourtant … pourtant quelque chose en moi s'anime. Quelque chose se nommant Espoir. Comment être sûr qu'il s'agissait réellement de lui ? Sans doute rêvais-je encore, sans doute mon inconscient me jouait des tours, m'accordant cette vision alors que je ne me suis jamais sentie aussi proche de la mort …

Puis, les choses semblent s’envenimer encore plus, m'échappant encore plus, alors que les gens continuent de tomber autour de nous, et que d'autres reviennent vers nous, leurs cris et pleurs redoublant d'intensité. Mon cœur s'emballe encore plus, presque douloureusement et mon regard, pupilles rétractées, tente de tout analyser, tenant toujours solidement la petite contre moi. Ce qui, jusqu'alors, semblait nous servir de bouclier semble ne plus être suffisamment efficace … et pour preuve, la main de la Pacificatrice qui attrape la mienne tandis qu'elle me donne de nouvelles instructions. J'acquiesce rapidement et nous nous mettons à courir alors que je jette un dernier regard par dessus mon épaule, tentant d’apercevoir à nouveau cet homme que j'avais cru reconnaître comme étant Gabriel …

Les explosions se rapprochent, projetant sur nous des éclats de terre, de boue … ou autre. Je crois devenir sourde au moment où mes oreilles se mettent à siffler à cause d'une détonation retentissant trop proche de mon oreille. Mais tant pis. Je cours toujours, bien qu'un peu déstabilisée et déséquilibrée par cette perte soudaine d'audition. Nous continuons de courir vers les égouts quand je sens ma main soudainement humide. Je ne comprends pas. Mais baissant le regard sur celle-ci, je peux remarquer qu'elle est tâchée d'un sombre liquide carmin. Mon sang se glace. La petite dans mes bras ne bouge plus. Alors ma gorge se noue douloureusement et je serre plus fort la main d'Amaria dans la mienne. Je tente donc d'articuler avec toutes les difficultés du monde.

-Amaria … La petite elle … elle … elle ne bouge plus …

GABRIEL LAYMANN

(HRP : le joueur de Gabriel s’excuse pour son absence temporaire. Il laisse au staff le soin de PNJiser  son personnage pour faire avancer l’Event. Il reviendra très vite parmi nous )

La menace n’avait fait que s’étaler dans le bidonville et Gabriel revenu des cieux, parmi les siens, et dans un corps différent, n’avait pas perdu de temps à plonger dans le combat et à se ranger à côté de ceux qui faisaient battre son cœur depuis toujours.
Les ailes noires se dressaient fièrement et les drones du Général Van Brënner avaient été les premiers à faire les frais de son nouveau statut particulier. Ses yeux gris au reflet doré scrutaient chaque âme qui fuyait le chaos. Hadès ouvrait les entrailles de l’enfer et il attendait patiemment de recevoir tous ces innocents qui n’avaient plus aucune issu que de se soumettre à la puissance du Lion de feu et de son armée maudite. Tout en haut de ce bâtiment qui tenait encore de bout, lui parvenaient tous ces cris d’agonie en un terrible écho amplifié. Il n’était pas habitué à ses nouveaux pouvoirs et ressentir toutes ces émotions ne faisaient que le déstabiliser.

Ce fut cette voix venue du cœur de cette population condamnée qui lui permit de retrouver ses esprits. Une voix féminine venait de découvrir l’horreur du dernier round de ce jeu mortel : les barrages étaient électrifiés et la chair carbonisée remontait par effluves nauséabondes jusqu’à Gabriel qui cligna légèrement des yeux. Il ne la connaissait pas telle qu’il aurait voulue. Mais en ELLE coulait ce même sang et des dons aussi puissants.

Ses ailes d’ébènes s’étirèrent de toute leur majesté et il s’envola pour atterrir plus loin, là où les canons napalms montés sur VMB et les chars n’avaient pas encore laissé leurs traces abominables. Ouvrant ses bras, il en appela ses pouvoirs et dans chacune de ses mains, une sphère lumineuse se forma. La lumière devint plus éclatante. Le sol trembla et un vent sortit de nulle part l’entoura de sa force.  Les deux orbes s’allongèrent et augmentèrent au point de finir par dessiner deux portails assez larges et grands pour que des Etres humains puissent s’y engouffrer.

La scène n’avait échappé à personne : ni aux humains, ni aux Pacificateurs. Gabriel se tenait au milieu des deux passages. Sa toge noire et ses longs cheveux dansaient et virevoltaient autour de lui au rythme vertigineux du pouvoir qu’il dégageait pour créer ces deux portails. Un Ange dans toute sa splendeur. Mais ce qu'il faisait là, ne serait pas sans conséquences. Il se dévoilait beaucoup trop et comme si ses pensées avaient été perçues par une Entité Supérieure, une voix résonna dans sa tête, que lui seul pouvait entendre :

* Gabriel nous t’avons permis de venir aider des Êtres chers et des Innocents, mais il ne faut pas que ton visage soit vu par tout ce monde. Ce n’est pas encore le moment. C’est trop tôt pour toi. L’aura bienfaitrice de la Sainte Terre voilera ton apparence. Seuls les Tiens pourront discerner des traits familiers … Pour toute cette population, ces soldats, ces Anciens, tu ne seras rien de plus qu’une Lumière aveuglante d’où se dégage une voix apaisante et inconnue, déformée par Notre Pouvoir. Nous te protégeons. Fais ce que tu as à faire.

Toutes les caméras braquaient sur la scène de l'Ange explosèrent ou devinrent aveugles. Personne n'aurait aucune preuve de cette incarnation ailée. L'Ange aidé par cette puissance Divine haussa le ton de sa voix qu'il ne reconnaissait plus :

- Humains ! Protecteurs des Innocents ! Chaque passage vous amènera à l’abri du carnage ! Ne me posez pas de questions ... Faites-moi confiance !

Les survivants se hissèrent sur leurs jambes. Ces hommes et ces femmes trouvèrent l’énergie d’avancer et de faire les derniers pas face à cette Lumière. Gabriel les guida vers le portail de gauche. Celui de droite resta vierge de toute visite. Celle dont il avait reconnu la voix s’avança, aidant avec elle les humains et une jeune femme qui avait été jadis à son service : Scarlett.  On l'avait prévenu que seuls les Siens pourraient découvrir un visage presque coutumier. D'un signe de tête, il leur présenta le portail de droite.

- L’antre du Phoenix  dit-il …

Maintenir l’activité de ces deux passages lui demandait beaucoup de concentration et d’énergie. Pourtant, Gabriel avait ressenti la douleur d’une vie … d’une femme quelque part… Ici… De celle qui avait fait battre son cœur, il y a onze ans. Une unique larme coula le long de sa joue. Elle aimait prononcer ces mots qui prirent cette nuit toute leur signification :
Parfois, il faut savoir sacrifier sa propre vie pour en sauver des dizaines. Il ne faut pas avoir peur de cela.

S’il partait maintenant, les deux portails se refermeraient aussitôt et il enlèverait la dernière chance à ces miraculés et aux Pacificateurs de les mettre en sécurité. Cette vie qu’il sacrifiait à l’aube de ce nouveau jour … C’était ELLE. Une part de son âme.

Il y avait une citation d’un livre qui avait retenu mon attention, il y a fort longtemps : “Qui ne croit pas à l'enfer ne va pas en enfer.” Mais à je n’étais plus certaine de la véracité de ces mots. Si je ne croyais pas à l’Enfer, je ne pouvais pas non plus occulter le carnage qui se déroulait sous mes yeux. Le bidonville s’était transformé en brasier. Les débris et des cadavres jonchaient le sol et les survivants de cet Apocalypse se retrouvaient piéger. Les humains ne pouvaient plus sortir du dôme. Les barrages électrifiés les empêchaient d’atteindre l’espoir. Les pensées de Mara, que j’avais capté grâce à mon lien télépathique, nous indiquaient la dernière solution qui s’offrait à nous : s’éloigner du cœur du bidonville pour rejoindre le marché aux esclaves ou bien les égouts. Il fallait fuir, de toutes les façons possibles et inimaginables.

Ma télékinésie formait maintenant une coupole de protection, comme un bouclier invisible autour de Scarlett, de la petite fille et moi.  Les humains affolés, se dispersaient dans tous les sens et la peur freinait leur réflexion.  A chaque survivant que nous croisions, nous leur expliquions qu’il fallait se regrouper hors du bidonville et échapper au chaos. Il n’y avait plus au presque plus d’enfants. Je me demandais encore comment une fillette s’était retrouvée ici. Mara avait passé un pacte avec les Insoumis et tous les enfants humains avaient été mis sous la protection de ce groupe pour rejoindre les terres sauvages. La folie asarienne ne mettrait pas un terme à l’humanité. Mara et les Insoumis avaient sauvé l’héritage de la prochaine génération.

J’avançais avec Scarlett et la petite fille dans ce champ mortel, évitant les tirs, les flammes, les explosions. A travers la fumée, un homme hurlait de venir l’aider. Sa femme avait été prise sous des gravats. Je fis un signe à Scarlett et elle comprit ce que je désirai faire. La compagne de cet homme était blessée et encore vivante. Sa jambe était prise dans un étau de débris.

- Laissez-moi faire et aidez votre femme dès que vous pourrez.

Ma télékinésie entra en action et les décombres s’élevèrent lentement dans les airs, libérant ainsi l’humaine. L’homme avait suivi mes ordres et il prit entre ses bras, sa femme pour la soulever.

- Mettez-vous à l’abri vers les égouts ou vers le marché aux esclaves.

Il acquiesça et ils prirent tous les deux la direction opposée aux combats. Alors que l’enfer se déchainait, je ressentis comme un déchirement puissant effleurant mon esprit. Ce n’était pas le fait des blindés ni des armes de la Milice. Quelque chose … Non…  quelqu’un utilisait un pouvoir supérieur. Je percevais les vibrations de la force qui perturbait mes ondes psychiques. La même qui avait atteint ma curiosité et qui appartenait à l’Ange. Cet homme venu de nulle part pour nous aider et qui détenait une trace familière de mon passé.  Je pivotai sur moi-même pour balayer du regard toute la scène et y chercher sa provenance. Je ne le voyais plus. Pourtant, je sentais sa présence et toute cette  énergie qui faisait écho en moi. La voix de Scarlett m’arrêta dans mes observations et mes yeux se posèrent sur le corps de la petite fille qu’elle tenait contre elle.

Je posai un genou à terre et de mon index et mon majeur, je cherchai le pouls de la petite fille. Il y avait encore un souffle de vie. Infime, certes, mais bien là. Elle avait été sévèrement touchée. Je relevai doucement le pull taché de sang et je découvris la blessure mortelle qui ornait la peau de l’enfant. Elle ne survivrait pas. Nous étions bien trop loin d’un abri pour lui donner apporter tous les soins nécessaires.

- Ne vous inquiétez pas Scarlett …

Je cherchai dans les décombres, autour de nous, quelque chose de coupant et je m’entaillai la paume de ma main par deux fois et je pressai ma blessure contre celle de la petite fille. Le sang de tout Asarien avait le pouvoir de soigner et de régénérer pas mal de blessures. Le peu de mon sang qui entrerait en contact avec sa peau et donc avec son organisme la maintiendrait en vie et lui éviterait l’infection mortelle.

- Elle ne mourra pas, mais elle sera très affaiblie. L’infection va être enrayée. Néanmoins, il lui faudra des soins dès qu’on sortira d’ici. Vous tenez bon, Scarlett ? Nous y sommes presque.

La terre trembla sous nos pieds et je sus sans employer ma télépathie que c’était … LUI. Je me redressai et une lumière vive m’interpella. Cela  n’avait plus rien avoir avec cette pluie de feu et de tous ces tirs … C’était une lumière différente, d’un bleu étincelant.

- Venez ! … Au cœur de la noirceur, nait toujours l’espoir.

Je souris, poussée par un sentiment de certitude et de conviction. J’aidai Scarlett à se mettre debout avec la petite fille.

- Vous voyez cette lumière tout là-bas ? C’est notre espoir à nous tous.

Nous n’étions pas les seules à avoir vu cette apparition étincelante. Les âmes perdues du bidonville s’étaient tournées vers cet halo incandescent et tout le monde progressait vers elle, comme des papillons attirés par la lumière de la vie. A une distance raisonnable, je pus enfin découvrir ce qui émettait une telle puissance : deux orbes se tenaient là et entre les deux, cet Ange. Il guidait les humains dans celle de gauche. Je cherchai le regard de Scarlett qui était tout aussi étonnée que moi.

- Avançons ! Il faut faire vite.

En nous approchant de plus en plus, je pouvais admirer et détailler les traits de cet Etre hors du commun. Ses ailes noires étaient majestueuses. Sur son visage, se lisait des émotions diverses : la douleur, la peine et, l’amour. Et au moment où l’on se présenta face au couloir de gauche, l’Ange nous dirigea vers celui de droite et les mots qu’il prononça me figèrent sur place. Le Phoenix … Il venait de prononcer ce mot que seuls les Pacificateurs connaissaient. Tout ce que j’avais ressenti depuis que je l’avais vu apparaitre me conduisait sur une même voie. Tout se regroupait pour former un tout familier … et pourtant si impossible …
Je fis passer Scarlett et la petite fille devant moi. Elle avait besoin de soin et le QG serait le lieu parfait pour cela et avant d’entrer moi aussi dans ce passage lumineux … Une question passa mes lèvres … Juste un murmure …

- Gabriel ?

Ma tête me faisait mal. J’entendais les différentes voix d’Amaria et de Leroy et je n’étais pas habituée à cela. Ce n’était pas seulement leurs paroles qui résonnaient en moi, c’était aussi leurs émotions, qui fusionnaient avec les miennes. Amaria venait de nous avertir que les barrages étaient dorénavant électrifiés. Je discernais au loin, les cris de douleur des derniers humains qui avaient passé la limite entre le dôme et les terres sauvages. Un chant de mort qui s’élevait au-dessus de ce décor morbide. Il fallait trouver un autre moyen de sortir du bidonville et de ce dôme, par la même occasion. Il fallait s’éloigner le plus loin possible du champ de bataille. Grâce à ce lien qui m’unissait avec les autres Pacificateurs, j’avais ordonné de se replier aussi loin que possible de la Milice et des blindés. Le marché aux esclaves était une idée, comme celle de rejoindre les tunnels souterrains. Nous allions devoir nous disperser.

Dans mon dos, les humains que j’avais libérés couraient pour se mettre à l’abri. Face à moi, les soldats me tiraient dessus et je n’avais eu de cesse de répliquer avec mes armes. Mais j’étais seule et je faisais un maigre rempart. Touchée à la hanche et à la cuisse, je vacillai sur mes jambes et je mis un genou à terre. Pourtant ce ne fut pas la douleur de mes blessures qui m’arracha mes gémissements, mais cette brûlure étrange au creux de mon poignet. Dans toute cette folie, j’avais oublié cet adolescent bizarre qui en savait beaucoup plus sur moi, que moi sur lui. Je relevai la tête au claquement de ses doigts. Encore et toujours sa morale. Une sorte de refrain pernicieux pour me déstabiliser, mais il n’avait pas compris que cela ne faisait qu’accroitre la force de mes idéaux.

- Rien n’est impossible. Ce sont justes les barrières que nous nous imposons, par peur ou par pessimisme. Je crois en l’avenir et tant que je croirai en un monde meilleur, j’avancerai ! Je me relèverai ! Je me battrai ! Je ne suis pas là pour obtenir un trophée, une médaille, ni encore moins une reconnaissance ! Est-ce si compliqué pour toi de comprendre la notion d’altruisme ? Sans chercher les honneurs ? La souffrance et cette folie sont les résultats que l’on veut nous faire avaler depuis très longtemps, une sorte de fatalité contre laquelle, soit disant, il n’y a rien à faire. Détrompe-toi ! C’est en déchirant cette membrane qui rend aveugle que l’on trouve la volonté de se battre, de croire en l’avenir ! Il n’y a pas de destin écrit comme on veut nous le faire croire en répétant les mêmes erreurs que le passé. Nous sommes capables de prouver le contraire.

C’était un prédateur qui se cachait derrière l’apparence d’un Ephèbe. Il marchait tout autour de moi et prenait plaisir à observer ma douleur et mes blessures. Je n’étais pas dupe. Je me demandais à cet instant où était passé cet Ange et je ne savais pas pourquoi je pensais à lui alors que le danger me guettait et qu’il allait ouvrir sa gueule sur moi et me croquer. Le sol trembla. Je le ressentis sous ma main. Les survivants du bidonville accouraient dans notre direction. Pourquoi ne nous voyaient-ils pas. Je levai mon bras devant moi pour me protéger de cette masse importante … et là  … ce fut le choc. Toutes ces âmes passaient à travers mon corps comme si je n’étais pas présente dans le bidonville. Ce Jouvenceau en était responsable. Un humain s’effondra devant moi sans me voir et sa peur se reflétait dans son regard.

- Chaque ombre apporte sa lumière. Chaque horreur cède sous l’espoir. Museler, asservir des Etres humains, ce n’est pas notre destin ! Nous sommes là pour leur offrir la possibilité de se libérer de cette joute. Ce ne sont pas des animaux ! Nous ne sommes pas des bêtes !  Les guerres sont cruelles. Nous le savons tous et si le sacrifice de quelques vies peut en sauver des centaines, alors j’offrirai ma vie cette nuit ! Tu vois cet homme qui vient de tomber devant moi ? Regarde-le ! Il se relève. Malgré sa fatigue, ses blessures, il se remet sur ses jambes. Ce que tu ne comprends pas et que tu ne comprendras sans doute jamais, c’est que tant que l’espoir battra au fond de notre cœur, même les pires cauchemars ne nous feront jamais reculer.

Je l’avais provoqué de mes mots et quand ses doigts fins se refermèrent violemment sur mon poignet, je sentis le froid de la mort m’envahir soudainement. La chaleur des brasiers du combat avait laissé place à une sensation de vide inexplicable. Je me libérai vivement de son étreinte. Je ne savais pas ce qui se passait, mais l’Enfer se déployait de plus en plus.

- Qui je suis ? Juste une humaine et ça depuis toujours ! Je crois que tu donnes à ma personne bien trop d’importance dans notre monde.

Il s’éleva dans les airs, vrillant ses yeux sans vie sur moi. Au milieu de tout ce vacarme, de ces cris, de ces détonations, un écho se faufila jusqu’à  moi.  Etais-je encore dans cette autre dimension ou bien ici ? Une voix qui n’aurait pas dû se trouver ici et pourtant c’était bien lui que j’entendais m’appeler. Mon esprit serait-il capable de m’apporter des hallucinations ? Mes blessures me donnaient-elles cet espoir vain de m’accrocher à cet homme qui semblait s’avancer dans ma direction ? Je puisai en moi toute ma force, l’amour des miens et je me remis sur debout.

- Par ici ! Je suis là !!

Au milieu des flammes et de la fumée, sa silhouette m’apparut à quelques mètres de moi. Mon regard en disait long sur la situation et Grant avait appris à le déchiffrer depuis toutes ces années. Il devait se méfier de cet adolescent au visage de chérubin, qui n’en était pas un. La présence de mon compagnon sembla énerver l’Angelot et c’était le moment idéal pour le semer. Pour la seconde fois, je lui envoyai une grenade aveuglante. Ma dernière. Je dissimulai mon visage de la luminosité qui explosa dans les airs. A cela, des arabesques électriques s’unirent aux dommages causés par la grenade pour affaiblir le gamin. L’électrokinésie de Grant venait d’agir. Je sentis alors autour de moi les bras de Grant qui m’attrapait et qui me calait contre lui. Il étendit son pouvoir et nous rendit invisibles tous les deux, pour nous dissimuler et nous éloigner de cet enfant malsain.

Je ne savais pas par quel miracle Grant s’était retrouvé dans cet enfer. Tous les accès menant au dôme, qu’ils soient extérieurs ou intérieur à la cité étaient condamnés par la Milice. Pourtant, je ne rêvais pas. Mon esprit ne me jouait aucun tour et encore moins les pouvoirs étranges de cet adolescent qui semblait avoir été lui-même dérangé par les derniers évènements. Je m’accrochai à la nuque et aux épaules de Grant quand il me souleva dans ses bras. Il courrait vers une direction que j’avais du mal à définir.  Ce n’était pas celle du marché aux esclaves, comme je l’avais précisée aux Pacificateurs de s’y replier. Peut-être connaissait-il un moyen de rejoindre les galeries souterraines. Au milieu de cette folie créée par les soldats et celui, sans aucun doute, qui menait cette danse macabre, le ministre Van Brënner, je ne voyais que de la fumée, les débris et malheureusement des corps inertes. Je resserrai mon étreinte contre Grant et il comprit ce que je devais ressentir, car il me murmura des mots apaisants et rassurants. J’enfouis un instant mon visage dans le creux de son cou. Mes pensées s’entrechoquaient à une vitesse fulgurante : j’avais l’espoir que les enfants étaient en sécurité avec les Insoumis et malgré cela, nous avions perdu tant d’innocents et d’alliés.

Mais quelque chose me détourna de mes sombres réflexions et lorsque je redressai mes yeux, ce que je vis à quelques mètres de nous, dépassait le raisonnement le plus logique. Il était là. Cet Ange que j’avais vu voler sous le dôme et défier les drones de la Milice et ses soldats se trouvait au milieu de l’hécatombe. Il appelait toutes les personnes à passer les … portails. Les humains s’engouffraient dans le premier, celui de gauche et lorsqu’avec Grant on se présenta devant lui, il nous indiqua celui de droite. Il était si proche que je pouvais enfin voir les traits de son visage avec beaucoup plus de précisions et ce que je découvris me troubla, me renvoyant à une image familière de mon passé. Un visage d’il y a onze ans se trouvait là. Des ailes noires magnifiques, des cheveux longs qui flottaient sur ses épaules. Et ses yeux que je ne pourrai jamais oublier. Si j’avais été seule, j’aurai argumenté une faiblesse de mon imagination. Mais là, je ne pouvais pas en conclure avec autant de facilité. Grant le voyait tout comme ces hommes et ces femmes qui le remerciaient de leur sauver la vie.

Qui avais-je vu au studio A.U.R.I.S. quand j’étais allée à la rencontre de ce chanteur : Gabriel Laymann ? Il avait tout fait pour me dissuader qu’il n’était pas le Gabriel de mon passé. Et là, devant moi, l’homme que j’avais aimé voilà onze ans plus tôt se dressait en Messie et Sauveur de l’Humanité. Un seul homme pour toutes ces personnalités ? Je ne savais plus quoi en penser et je crois bien que je devais arrêter de trop me poser de questions, car je n’aurai certainement jamais toutes les réponses en main. Mon cœur l’avait reconnu cette nuit-là à la Taverne. De nouveau au studio A.U.R.I.S. et encore une fois, là, maintenant. Je fermai mes yeux pour retenir mes larmes.

Un fantôme de mon passé pour sauver l’avenir …

Je ne m’étais même pas aperçue que nous avions franchi le portail et que les murs blancs ainsi que les néons coutumiers du QG avaient remplacé le décor horrible du bidonville. Je me laissai amener à l’infirmerie et j’observai par-dessus l’épaule de Grant tous les Pacificateurs,  nos alliés qui étaient eux aussi revenus par ce passage. Ceux qui étaient restés dans l’antre du Phoenix commençaient à soigner les plus urgents. Je devais moi aussi m'occuper d'eux, trouver nos amis ... Où étaient-ils ? Amaria ? Leroy ? et tous les autres ... ?

- Je vais bien Grant. Il faut trouver Héméra. Elle doit s’inquiéter. Nous sommes liées toutes les deux télépathiquement depuis qu’elle a créé ce lien.

Je jetai un œil à mon poignet qui m’avait tant brûlé et un symbole était apparu à même ma chair. Une sorte de chiffre. Est-ce tout cela était lié à cet Ange ?