Une ombre dût passer sur mon visage lorsque je me souvins du fameux rendez-vous avec l'autre. Une ombre fugitive que je réprimai bien vite, assuré de la place que j'avais désormais dans son cœur. Elle n'avait pu se livrer si totalement sans ressentir les mêmes sentiments que moi. La jalousie, mauvaise conseillère essayait tout de même de frapper à la porte de mon esprit mais je la refoulai bien vite, attendant de voir quelle serait son attitude envers cet homme. Elle m'intimait un silence par des signes plus complices que coupables. Je souris en pensant que le chevalier servant de ma belle en serait quitte pour une jolie déconvenue en la voyant afficher une mine de chatte qui vient de vider le bol de lait ou de se battre avec un matou entreprenant. Cependant, lorsque j'entendis l'échange de propos, je compris qu'elle m'avait mystifié en prétendant avoir un rendez-vous galant. Si je n'avais pu identifier sa voix au téléphone, je remis immédiatement ce brave James, chauffeur personnel de la Grande Conseillère lorsque je l'entendis lui répondre sur le palier. La ruse féminine, à intelligence égale, serait toujours plus élaborée que la nôtre, pauvres mâles. Loin de me mettre en colère, la révélation de ce stratagème ne faisait que témoigner de sa volonté de tester mes sentiments. Un sourire épanoui et serein étira mes lèvres alors que je l'entendais prendre congé des services de son chauffeur en lui octroyant sa matinée. Cela ne pouvait qu'augurer une nuit sans sommeil qui excluait le travail en matinée. Je songeai qu'il me faudrait annuler quelques rendez-vous moi-même. Ce serait bien la première fois que je le ferai pour motif personnel, mais la satisfaction de la Grande Conseillère ne faisait-elle pas partie de mes attributions officielles ?
Le regard dont elle m'enveloppa après avoir verrouillé la porte dévoilait sans retenue qu'elle avait bien l'intention d'user et d'abuser de mes services, à ma plus vive satisfaction. Je la couvai du regard lorsqu'elle laissa glisser le peignoir à ses pieds et s'approcha lascivement de moi. Dieu, qu'elle était belle et désirable! Comment avais-je pu me retenir aussi longtemps de la posséder ? Je me redressai pour m'asseoir et répondis avec un air faussement solennel, jouant avec les mots.
- Je suis un excellent chauffeur, Madame la Grande Conseillère! Et je vous conduirai jusqu'où il vous plaira !
Mais lorsqu'elle me chevaucha à nouveau, s'emparant de mes lèvres, je pensai aussitôt qu'il serait difficile de faire abstraction de la soif qui renaissait à peine étanchée et que la passion sèmerait le long du chemin bien des tentations auxquels il serait dur de ne pas succomber. Aussitôt mon esprit enflammé imagina tous les lieux où je pourrai lui faire l'amour durant l'itinéraire qui menait chez elle. C'était effarant de constater à quel point elle enflammait ma créativité. Un constat s'imposa alors à moi dans toute son évidence. Il allait être très compliqué voire impossible de dissimuler aux yeux des autres ce qui s'était libéré entre nous, et j'imaginais déjà à quel point les conseils des ministres, les réunions au sommet allait éprouver ma volonté lorsqu'il s'agirait de masquer le feu qu'elle avait déclaré en moi. J'interrompis ce nouveau baiser incendiaire à regret et formulai ma pensée avec un petit sourire narquois.
- Si tu t'obstines à te coller contre moi entièrement nue sur ce canapé, il y a fort risque que nous passions encore quelques heures dans ton bureau. Je suis loin d'en avoir exploité toutes les ressources. Et si nous n'arrivons même pas à nous dominer pour arriver à quitter cet endroit, imagine ce qui se passera demain lorsque tu me croiseras dans le couloir. Il pourrait paraître suspect au reste du gouvernement que nous prolongions ainsi des entrevues à huis clos. Remarque, voyons les choses du bon côté, si nous cédons ici, nous serons sur place pour attaquer notre journée de travail demain...
Je caressai ses épaules et glissai le long de ses courbes sans cesser de la fixer de mon regard brûlant et poursuivis, toujours jouant sur les mots.
- Cela dit, si ton chauffeur ne sait pas plus tenir sa langue que toi, je pense que la raison de tes réunions prolongées avec moi ne sera plus un secret pour personne. Mais plus sérieusement, je n'ai nulle intention d'écourter cette nuit et je ne désire qu'une chose, la passer entièrement avec toi, Alianka ... Celle-ci et toutes celles que nous voudrons. Où veux-tu que je te conduise ? Oublions Madame la Grande Conseillère et Monsieur le Minsitre. Juste toi et moi ....