Nouveau départ [Dark Shadow]

Des voix résonnaient non loin de moi. La première m’était plus familière que la seconde. Je reconnaissais là, la voix de mon Capitaine. Plus je m’approchais, plus je percevais la conversation, me dévoilant ainsi la silhouette du second intervenant qui me tournait le dos. J’avais déjà eu beaucoup de mal à accepter cet ordre et apparemment Cooper était dans le même état que moi. Calant mon épaule contre la paroi du couloir, les bras croisés, je suivis avec curiosité cette discussion. Non ! Je n’étais pas curieuse mais cela m’impliquait aussi. J’avais juste l’impression de me revoir face au Capitaine, quelques jours en arrière, lui expliquant la même chose. Peut-être que Cooper arriverait à le faire changer d’avis. Malheureusement ce ne fut pas le cas et le Capitaine dévoila ma présence ce qui fit se retourner mon nouveau coéquipier tout en restant impassible devant son regard froid.  A sa question, je restais silencieuse, l’observant s’éloigner dans le couloir avant de reposer mes yeux sur notre responsable.

- Il va s’y faire… et vous aussi Dark Shadow, avec le temps…

- Ne pensez pas une seule seconde que je vais jouer à la psychologue ! Il y en assez au QG comme ça !

- Ce n’est pas ce que je vous  demande Shadow.

- Si par malheur vous recevez une information comme quoi deux de vos agents se sont étripés, ne vous demandez pas pourquoi ! Vous savez déjà la réponse.

- Vous avez déjà bossé en équipe alors pourquoi soudainement ce comportement négatif ?

- J’ai travaillé avec Thorne durant des années. Il a été capturé et tué. Fin de l’histoire. Je n’ai pas envie que cela se reproduise !

- Ce murer pour se protéger n’a jamais été une bonne solution. Sur ce, j’ai une réunion et vous, un rendez-vous à l’armurerie. Essayez quand même de ne pas vous étriper dès la première minute.

Bah voyons ! Je grinçais des dents rien qu’en pensant que j’allais devoir suivre les ordres de Monsieur.  J’inspirai très lentement pour chasser ma contrariété et ma mauvaise humeur. J’étais à deux doigts de bifurquer dans un autre couloir au lieu de suivre la voie de l’armurerie. Ça lui ferait les pieds, je ne suis certainement pas la petite brebis qui va obéir gentil au grand méchant loup ! Je soufflais bruyamment, glissant mes mains dans les poches de mon treillis. C’était la tenue la plus typique que je pouvais porter quand j’étais dans les murs du QG : débardeur noir, treillis et des bottines de marches qui pouvaient ressembler à des rangers mais en plus souples. Etre le « spotter » de Cooper… Ok, je savais observer, détailler les situations, lui donner toutes les informations utiles pour ses tirs, prendre en compte toutes les données, protéger le tireur en cas de problème.  Par contre, j’étais moins certaine de notre entente sur le terrain. Etre binôme cela implique énormément de chose et surtout cela passé par la confiance que l’on pouvait avoir l’un de l’autre. Il devait remettre sa vie entre les miennes autant que je pourrai le faire, et ça c’était le « hic » qui coincé à l’heure actuelle. Le sas de l’armurerie s’ouvrit devant moi, m’avançant vers le comptoir. HawkEyes commença à s’excuser ce qui me tira un sourire narquois au coin des lèvres. S’il attendait à  une réponse da ma part, ce n’était pas aujourd’hui que je lui en donnerai une.

- Salut Andy!

- Bonjour Shadow, tes armes habituelles ?

- Oui, s’il te plait.

J’écoutai le bruit de son arme qu’il vérifiait minutieuse sans me tourner vers lui. Je savais très bien jouer les emmerdeuses quand on m’y forçait. Pire encore, la froideur était aussi l’une de mes armes de prédilection. Pas besoin de mots supplémentaires pour faire comprendre à mon interlocuteur  que je n’étais pas encline à parlementer inutilement. J’avais un ordre tout comme lui. Cela n’irait pas plus loin. Max déposa sur le comptoir mon Glock dernier cri avec son charger de 10 cartouches. C’était mon arme favorite et passe partout. La seconde arme était un Ruger MK II avec son silencieux. Depuis le temps que je bossais chez les Rebelles, j’avais confiance en Max, je vérifiais juste les fonctions de mes armes avant d’en mettre une sous mon débardeur dans mon dos et la seconde dans mon holster de cuisse.  Cooper ne s’était pas arrêté de parler comme si j’étais une petite fille à qui il fallait donner des instructions.

- Pas possible ? Je pensais être chez les guignols, Hawk …

Andy me lança un regard désolé avant de comprendre qu’il serait mieux pour lui de se retirer à l’arrière de sa boutique. Je me tournais finalement face au Rebelle, mon regard braqué dans le sien.

- Évite de me faire la morale ou de me servir ton petit sermon. Quoi que tu puisses penser de moi, je ne suis pas une femme qui reste à l’abri dans les murs du QG ou qui classe des dossiers à longueur de journée. Maintenant, si cela te pose un problème de bosser avec une femme, faut le dire clairement !

Qu’il évite aussi de m’amadouer avec la mort de son coéquipier. J’y étais passée avant lui, et je connaissais très bien ce sentiment. Les bras croisés devant moi, j’écoutai le programme qu’il nous avait concoctés. Cela me paraissait intéressant  de pouvoir jauger l’homme de terrain et de tenter de faire équipe avec …Enfin… Le mot « équipe » n’était pas vraiment d’actualité et je me demandais si un jour  ce terme s’appliquerait à nous deux.

- Très bien, ça me va ! 3 jours pour voir si toi et moi sommes complémentaires !

Je ne rajoutai rien de plus sortant de l’armurerie pour m’aventurer dans le magasin d’approvisionnement qui était juste accolé à celle-ci.

- Salut Shadow, je n’ai pas reçu d’ordre de mission pour équiper des agents ?

- Salut Doug !  Ce n’est pas une mission, c’est pour un entrainement. Donne-moi un sac de couchage et un paquetage pour  3 jours de terrain, de quoi survivre dans les terres sauvages.

Le rebelle déposa un sac à dos sur la banque ainsi  tout ce que je lui demandais au fur et à mesure qu’il me proposait le matériel. Je ne voulais pas m’encombrer de choses lourdes. Elles devaient rester nécessaires et pratiques comme : Lampe frontale, mon duvet, Gants, gourde, vêtements de rechange, couteau, gamelle et tout ce dont je pourrai avoir besoin. Je sentis alors la présence de Cooper dans mon dos et avant que je ne puisse parler, Doug le responsable du magasin se fit plus rapide.

- Ha je vois, un entrainement ensemble, tous les deux ?

La formation du paquetage et donc de toutes nos affaires dont on aurait besoin pour le terrain se passait presque dans le silence sauf lorsqu’on échangeait avec Doug qui nous remettait ce qu’on lui demandait. Tout en écoutant d’une oreille les recommandations et les directives de Cooper, je rangeais tout mon matériel dans les diverses poches de mon sac à dos, regardais le bon fonctionnement de mes armes qu’on venait de me remettre sans porter attention à lui et encore plus quand il me parla d’un entrainement spécial pour le camouflage. J’avais raison ! J’étais chez les guignols ! Non mais il me prenait pour qui ? Pour la petite fille qui ne savait pas tenir un flingue ? Pour la nana qui avait peur de se casser un ongle ? Apparemment c’était bien le cas. Leçons de  camouflage ! Non mais écoutez-le ! Je t’en foutrai moi des leçons ! C’était tellement risible que  j’avais envie de lui rire au nez mais non ! Il fallait à tout prix que je me calme où je sentais que sa belle gueule allait venir rencontrer mon poing très rapidement.

- C’est toi le plus haut gradé, non ? Tu décides. Je te suis. Et appelle-moi Shadow  tout simplement.

Ha le terrain durant trois jours avec lui ! Ce finirait par devenir un vrai cauchemar. Dit comme ça, on pourrait penser que je n’y mets pas du mien. C’était un peu vrai même si j’avais reçu les mêmes ordres que lui. Sauf que je ne supportais pas les mecs qui se croyaient supérieurs aux femmes, juste par ce qu’ils avaient autre choses entre les jambes ! Mais au lieu de me buter contre lui, je devais lui démontrer qu’il avait tout faux sur moi et lui faire ravaler son côté macho ! Il déposa à plat une carte sur le comptoir de Doug, m’approchant pour reconnaitre les différents endroits dont il me parlait. Je secouais la tête en l’entend  m’expliquer qu’on pouvait tout aussi bien prendre aussi un autre chemin.

- Je ne suis pas en sucre Hawk ! On suit ton itinéraire, ça me convient très bien !

Je laissais en suspend sa dernière question sur mon test de validation sur les fusils d’assaut. Je souriais en plaçant la hanse de mon sac sur mon épaule. Allons, et si je te faisais un peu marché ? C’était aussi un bon moyen d ‘apprendre à me connaitre et surtout à ne pas porter de jugement trop hâtif sur une femme  qui n’avait pas la corpulence d’un catcheur. J’inspirais paisiblement me parant d’un petit sourire mutin.

- Non, je ne suis pas validée sur ce genre d’armes.

Ce qui était totalement faux, bien évident. Je jetais un coup d’œil brièvement à Doug qui avait compris parfaitement où je voulais en venir, évitant de se mêler à notre conversation. Puisque j’étais fin prête et qu’il me laissait le soin d’ouvrir la marche, je pris la carte que je pliais avec précaution.  Je n’attendis rien de plus de sa part pour sortir du magasin, agitant ma main pour saluer le responsable et disparaitre. Je bifurquais non pas vers le sas de sortie mais vers ma chambrée pour y récupérer mon blouson dont je glissais dans le revers, le plan et ainsi que ma casquette que je vissais sur ma tête. Je  trouvais mon nouveau coéquipier devant les ascenseurs qui nous mèneraient dans les galeries du QG. Pas de moto ou de jeep. Juste notre condition physique. Longeant une rivière souterraine, nous sortîmes de derrière les larges et épais fourrés qui protégeaient les tunnels du Faucon.

Je connaissais la route jusqu’à la rivière et la suivre fut un jeu d’enfant. Mes mains accrochées aux lanières de mon sac à dos, je crapahutais à travers les plaines  sans trop me préoccuper de Cooper. Et comme je n’étais guère loquace,  je préférai me concentrer sur l’itinéraire. Quelques mots, malgré tout, furent échangés sans rien de précis ou d’important. Le soleil déclinait lentement puisque nous étions partis en milieu d’après-midi et qu’il nous faudrait encore plusieurs heures avant d’arriver à notre destination. On traversa la rivière et c’est à partir de ce moment-là, que je devais m’aider de la carte : bifurquer vers l’Est pour remonter. Faire une boucle comme il me l’avait indiqué quelques heures plus tôt au QG.

- On va faire une pause. L’Est est de ce côté. Tout dépend où tu veux t’arrêter pour ce soir?

Je posais mon sac dans l’herbe, étalant ma carte, un genou à terre tout en montrant de l’index le chemin qui nous restait à faire.

- Par ici, le terrain est tout en dénivelé. On pourrait passer  dans le creux de cette vallée et faire ta fameuse boucle. Par contre, je ne sais pas vraiment où tu veux nous amener. Si  je forme une boucle avec mon doigt sur la carte, ça donne sur une clairière. Là, il y a une petite cascade.

Je laissais Cooper réfléchir et m’expliquer ses intentions, récupérant une barre énergétique dans l’une des poches de mon sac, je respirais profondément les bonnes odeurs de la nature qui nous entourait. C'était dans ces contrées indomptées par les Asariens que j'aimais me réfugier. Je pouvais laisser derrière moi, l'image de l'ancienne traitresse, tueuse au service de ces monstres et redevenir juste un peu l’Élisabeth que j'avais perdu en route depuis si longtemps.

- J’adore les terres sauvages. Ce monde est tellement loin de l’enfer de la cité.

Je compris au son de ma voix, devenue soudainement beaucoup plus douce, que je laissais tomber mon masque. Un masque que je n'étais pas en mesure de retirer, ni aujourd’hui, ni jamais.