Ce RP se situe après le retour de Gabriel et avant les rps qu'il a avec les Ministres (Emily, Alexander et Kylian).Vous comprendrez en le lisant qu'il prend place dans un espace temps particulier qu'on pourrait situer, si tant est qu'on puisse aligner les deux, peu après Hell in the slum. Je précise que ce RP ouvre une perspective que vous pourrez exploiter ou pas. D'ailleurs, il est probable que ce RP aura des prolongements avec les joueurs qui seront intéressés (me mp si c'est votre cas ou même pour me poser des questions sur le paradoxe temporel). J'ajoute que je vais répondre à tous les rps en retard que j'ai et en ouvrir d'autres. Bonne lecture à ceux qui auront le courage !
Allongé dans le confortable sofa de la salle de contrôle de la tour d' A.U.R.I.S, je récupérais de cet éprouvant voyage, de ces visions apocalyptiques tant redoutées. Cela avait eu lieu, j'y avais assisté. C'était la réalité. Une réalité ...
Early in the morning:
La journée avait commencé tôt comme toutes celles que j'avais enchainées depuis mon retour. Le sommeil avait déserté mes nuits et cédé la place à des hallucinations, des visions qui frappaient sans crier gare, me faisant perdre chaque fois un peu plus pied avec la réalité, notre réalité. Mon mental semblait s'en accommoder et les adaptations cognitives de mes neurones paraissaient n'avoir aucune limite. C'était comme si j'étais connecté à Asaria dans son entièreté et à la fois à chacun des êtres qui la peuplaient. Je percevais les soubresauts de la Terre, les vibrations des Dômes, le tremblement des feuilles sous le vent des Terres Sauvages, le grondement des rivières souterraines qui allaient se jeter dans l'océan antarctique, le gémissement des glaciers de la grande Barrière, le chuintement des volcans en sommeil. Je ressentais les joies, les peines, les colères de chaque Asarien et, pour peu que je me concentre sur l'un d'entre eux, je pouvais voir à travers ses yeux et partager ses sensations.
Je me refusais à me servir volontairement de cette nouvelle calamité qui s'était ajoutée à mes dons, m'efforçant, au contraire, de canaliser cette perception envahissante, sans grand succès lors des crises aiguës. Dans ces moments ravageurs, j'avais simplement l'impression de devenir encore plus fou que je ne l'étais déjà. Aucun être, aucune âme, aucun esprit ne sont préparés à recevoir tous les ressentis de milliers d'être vivants en même temps. Le flux envahissait mon cerveau dans une espèce de tourbillon d'images, de sons et de pensées, l’incapacitant totalement. J'étais alors comme déconnecté de moi-même et mon corps livré à lui-même se trouvait totalement à la merci de l'environnement, quel qu'il soit. Et c'était bien là le problème. Si le mental suivait, le corps en payait le prix, et on pouvait redouter que cette mobilisation de mon esprit constitue une faiblesse dont mes ennemis pourraient profiter si je n'arrivais pas à la surmonter.
Cette journée s'était donc annoncée comme les précédentes, dédiées à apprendre à maîtriser l'arsenal hyper cognitif héritée de ma nouvelle nature. Les Lee m'avaient rejoint depuis mon retour et s'efforçaient de m'aider au mieux, bien que ne cachant pas être dépassés par les origines et champs d'application de ces nouveaux pouvoirs. Ils étaient scientifiques et comme tout scientifique, ils étaient désarmés face à l'inexplicable, voulant à tout prix trouver une solution à l'équation que je représentais. J'étais, quant à moi, résigné et plus préoccupé à gagner en efficacité dans l'accomplissement de mes desseins qu'à comprendre ce qui m'arrivait. J'étais le créatif, qui compose avec ce qu'il a sous la main, je ne mettais aucune limite aux possibilités de l'univers. Je ne me mettais aucune limite à moi-même. N'en avais-je pas eu suffisamment lorsque j'étais l'enfant chéri ?
J'avais rédigé certains dossiers, remis de l'ordre dans d'autres en prévision de mes futurs entretiens avec les instances de l’État dans le but de mener à bien le projet Mirage. J'avais lu plusieurs rapports de données extraits des piratages de différents systèmes et établi des liens entre les différentes informations collectées. On pourrait penser qu'un type doté de cette paires de machins dans le dos pouvait se la couler douce en attendant d'avoir quelques ballades aériennes à faire. Ou encore que tout le travail était mâché, les informations analysées et qu'il suffisait d'obéir à des ordres venus d'on ne sait où. Je ne savais fichtrement pas comment définir ce que j'étais devenu, mais cela ne fonctionnait pas du tout comme l'imaginaire collectif pouvait le croire. Avoir ces dons impliquait une masse de travail d'analyse et de réflexion considérable et, jusqu'à présent, aucun ordre n'était venu de nulle part pour me guider. Je me retrouvais seul au monde avec pour seul guide mes intuitions, mes ressentis et surtout face à moi-même et à ma conscience pour prendre les décisions qui me semblaient justes. En fait, rien n'avait vraiment changé et je n'avais pas attendu tout ce folklore pour le faire. Dix années que je travaillais dans l'ombre à contrecarrer les plans de ma chère génitrice et de sa clique mortifère.
J'avais déjà bien avancé le sale boulot lorsqu'on m'avait ravi à l'existence terrestre de manière assez abrupte en me désintégrant sous les yeux de Jessica Warner, pour me signifier en quelque sorte, que j'avais officiellement le job. Un peu comme si un putain d’impresario avait repéré mes talents et décidé que j'étais fait pour ce travail sans vraiment me demander mon avis. Ou peut-être bien que je les inquiétais eux aussi et qu'ils préféraient ne pas avoir un franc tireur dans les pattes et avaient décidé de le recruter. Quoi ou qui qu'ils fussent, s'ils pensaient avoir fait de moi un homme de main à bon compte, ils se trompaient lourdement. J'étais bien résolu à garder mon libre arbitre et l'idée même d'obéir à des ordres me déplumait. Fort heureusement, depuis le soir où j'avais cramé au plafond et eu droit à un sermon digne des Dix Commandements prononcé par une voix sortie d'on ne sait où, hormis cet attirail encombrant qui se matérialisait lorsque je me transformais en cette ... ce volatile, rien ne m'avait été imposé par le "sergent recruteur" dont j'ignorais la nature même. Bien entendu, pour la grande majorité des gens, l'explication tiendrait dans un trilogie divine, mais pas pour moi. Outre le fait que je n'avais aucune affinité avec la religion, que je n'étais pas loin de trouver toute l'imagerie angélique héritée de notre passé complètement ridicule, mon esprit et mon imagination sans limite s'accommodaient mal d'une explication aussi bornée et simpliste. L'idée d'être la réincarnation d'un esprit des arcanes supérieures me faisait bien rigoler. Je n'y croyais pas une seconde. C'était aussi ridicule que d'imaginer que Van Brënner était la réincarnation d'un certain Adolf. Encore que...
J'étais perdu dans ces pensées digressives et en train de manger un léger repas lorsque Davina, ma secrétaire, était entrée dans mon autre bureau, celui qui n'était connu que de quelques membres du personnel,en gesticulant.
- On a un problème au niveau de la tour! J'ai essayé de vous parler par l'intercom mais tout est bloqué. Le Dr Malkovick est redescendu tout excité parce qu'il n'arrive pas à vous joindre non plus.
Je m'étais essuyé la bouche avec la serviette en papier et m'apprêtais à répondre lorsque l'astrophysicien avait fait irruption à son tour dans la pièce et bousculé mon assistante, ce qui ne lui ressemblait guère.
- On a perdu le contrôle de l'antenne sonique ! L'émetteur vient de se connecter à quelque chose ! Vous devriez monter voir! Les communications internes ne fonctionnent plus.
J'avais consulté ma montre et soupiré de soulagement. A cette heure les Scarecrow n'étaient pas encore entrain de bosser au studio. Cela m'éviterait d'avoir à inventer une explication plausible à faire communiquer à tous, et en particulier à Zack, sur le dysfonctionnement probable du matériel d'enregistrement. Je m'étais tourné vers ma secrétaire pour lui demander de sortir car nous abordions un terrain strictement secret puis j'avais repris la conversation tout en me dirigeant vers la fenêtre aux vitres teintées pour contempler la rue en contrebas. Tout paraissait calme.
- Avez-vous envoyé quelqu'un dehors pour vous assurer que le problème de communication est limité à A.U.R.I.S. ? Si vous deviez décrire les paramètres de la situation, de quel phénomène le rapprocheriez-vous ?
- Ça ressemble à une sorte d'I.E.M. mais on a encore de l'électricité. Et, non, nous n'avons pas encore eu le temps d'envoyer un agent, mais il semblerait que nous ne recevions plus aucune communication du dehors.
J'avais passé en revue les explications possibles à une telle situation puis étais revenu sur les premiers mots de mon collaborateur.
- Quand vous dites que l'émetteur d'ondes soniques s'est connecté à quelque chose, vous voulez dire qu'il a verrouillé une cible ? A-t-elle été détruite ? Nous travaillons pour l'heure exclusivement dans le couloir virtuel, n'est-ce pas ? Sur quelle intensité aviez-vous programmé la simulation de tir ?
Malkovik avait blêmi.
- C'est bien le problème... Je n'ai programmé aucune simulation de tir. Je ne me serais pas permis sans votre autorisation. Dans le protocole, nous n'en sommes qu'à l'ajustement du logiciel de coordonnées et nous n'avons encore pas commencé les essais de puissance. Jamais je n'aurais pris le risque de faire un tir, même confiné dans le couloir de simulation, sans avoir d'outils de calculs vérifiés pour régler le faisceau. En l'occurence, il ne s'agit pas d'un tir. Juste d'une ouverture du canal de commande. Ce n'est pas nous qui avons émis. Nous avons reçu une émission.
J'avais froncé les sourcils en prenant conscience de ce que la réponse du scientifique impliquait. - Vous êtes en train de me dire que que notre émetteur sonique est entré en communication avec quelque chose qui a émis dans notre direction.
Malkovik opina du chef. Il était en ébullition, comme s'il venait de déterrer les joyaux de la couronne.
- C'est pire que ça! Quelque chose a ouvert le canal de simulation et s'en est servi pour entrer en communication avec notre émetteur.
- C'est impossible, voyons, l'antenne sonique est juste un émetteur, pas un récepteur !
- C'est plus compliqué Monsieur Laymann. Vous oubliez de quoi se nourrit notre canon à ondes soniques ! Vous oubliez votre propre concept !
J'avais écarquillé les yeux d'incrédulité.
- Il se nourrit de différents sons qu'il capte ... de la musique en particulier ... ce qui en fait aussi un récepteur. Comment n'y avais-je pas pensé ...
Malkovik avait eu un petit sourire.
- Vous n'êtes pas un scientifique et le pouvoir des ondes soniques est vaste. Le monde scientifique n'a fait qu'effleurer ce domaine, même si certaines applications puissantes en ont déjà résulté. Un canon sonique de l'envergure du nôtre et avec une telle source de charge, c'est inédit. Je vous avais mis en garde, souvenez-vous ! Vous jouez avec le Diable. C'est à se demander si ce n'est pas lui qui vous a inspiré une telle arme...
- Mais il ne devrait recevoir que des sons ...
- On peut encoder un message sous formes de sons puis les convertir en images. Vous savez bien que chaque couleur par exemple ...
- Vibre sur une longueur d'onde qui lui est propre ... Oui cette application de la Physique m'a toujours fasciné ... Qu'a enregistré la banque de données de la salle de contrôle ? - Tout est bloqué, même le time code... Il a fait un bond en avant d'environ 15 minutes puis s'est bloqué ... et les données spatiales des planètes sont complètement tarées. Je crois qu'il vaut mieux que vous veniez en prendre connaissance vous-même. Vous risqueriez de ne pas me croire ... - Très bien... Je vais d'abord m'assurer que personne ne puisse voir mes déplacements.
Je me levai pour aller jusqu'à mon ordinateur et commandai la fermeture des volets de la Tour. L'ascenseur s'élevait dans une cage de verre avec une vue directe sur extérieur comme toutes les parois de cette magnifique tour qui m'avait coûté tous les revenus de mon second album. Mais chacune des parois était dotée de volets métalliques à l'épreuve de bien des dangers. Notamment des caméras des drones qui sillonnaient depuis quelques jours le ciel des Dômes.
J'avais ensuite emboité le pas à Markus Malkovik, brillant astrophysicien dont la femme et la fille avaient péri dans la destruction de l'orphelinat des Bidonvilles quelques années auparavant. Ils étaient en simple visite pour prendre à leur service un orphelin, l'adoption d'enfants humains pour un couple d'Asariens étant un concept hérétique dans notre monde. Markus était comme moi, assez doué pour contourner les lois et n'en faire qu'à sa tête. Malheureusement, il l'avait, comme moi, payé au prix fort. Non seulement il n'avait pas eu le temps d'adopter ce jeune garçon qu'il avait bien fallu choisir parmi tellement d'autres, mais il avait aussi perdu sa famille, ne devant son salut qu'à l'idée farfelue de s'être absenté pour acheter un cadeau à l'heureux élu. Markus était revenu avec sa boussole empaquetée prête à être offerte à ce "fils" qui disait avoir peur de se perdre dans la grande cité. Il avait trouvé un champ de ruines cerné par les chars. Intercepté par la Milice, il avait été relaxé au vu de ses loyaux services au Centre de Recherches du Gouvernement. "Juste là au mauvais moment, mais pas suspect" avait mentionné le rapport de l'officier. Markus ne pouvait qu'abonder dans le sens de ce début de phrase. Mais il s'était fait la promesse de devenir un jour très suspect. Le jour où il vengerait les siens. Le destin lui en avait offert l'opportunité par le biais d'une rencontre avec un ingénieur en informatique, sur son lieu de travail. A l'époque, Gabriel avait les cheveux bruns, les yeux noisette et arborait une discrétion sans faille ... Depuis, Markus et moi faisions route commune pour construire un avenir libre aux enfants d'Asaria encore vivants.
Nous avions donc pris l'ascenseur jusqu'au sommet de la tour de verre où culminait le canon sonique déguisé en antenne de radio. A.U.R.I.S. avait en effet sa propre radio qui émettait en continu, la plupart du temps de la musique et des bulletins météo. J'envisageais bien entendu un tout autre usage dans l'avenir, quelque chose de bien plus subversif. La radio, pour le moment, servait simplement de couverture à l'arme secrète que nous mettions au point en secret. Elle se contentait de proposer à la population asarienne la musique des artistes asariens. Arrivé dans la salle de contrôle, je m'étais immédiatement assis devant l'écran central et avais pianoté nerveusement sur le clavier. J'étais rapidement entré dans la base de données de notre émetteur et j'avais commencé à vérifier les paramètres. Mon regard s'était arrêté sur une ligne dans le panneau de commande. Certains chiffres qui se détachaient sur le fond noir de la page m'avaient interpelé. J'avais revérifié plusieurs fois.
- Bordel ! Tout est bloqué à ... il y a une seconde .... C'est possible ça ? Vous m'avez bien dit que tout était bloqué avant que vous veniez me rejoindre. On n'a pas mis une seconde pour revenir ici. C'est comme si le temps c'était figé dans la tour... Mais que se passe-t-il, putain ! Ahh ! ça y est, le chronographe a redémarré et on reçoit à nouveau des données de l'extérieur... C'est impossible ! Le système doit avoir une défaillance! Les coordonnées barycentriques de la Terre ont changé ! Le time code n'indique pas la même heure. On a fait un bond de douze heures en avant. On est passé de 12.45.18 à 22.45.18. Comment cela est-il possible ?
Malkovik avait hoché la tête en signe d'assentiment.
- Regardez l'heure sur l'ordinateur ... La même que sur ma montre ...Et les coordonnées de la lance d' A.U.R.I.S., sont restées les mêmes si on compare aux données d'il y a une seconde.
Nous avions donné ce surnom affectueux à la tour de verre qui surplombait le bâtiment aux courbes douces et à l'architecture écologique tout en bois qui abritait A.U.R.I.S.
- Comment est-ce possible ? répétais-je, incrédule.
- Je ne vois qu'une solution mais c'est ...
- Complètement dingue ...
Cette réalité dingue qu'il m'avait bien fallu admettre sitôt que j'avais pris le risque de mettre un pied hors d' A.U.R.I.S. pour aller constater par moi-même ce qui était en train de se jouer sous les Dômes. Je n'avais d'ailleurs pas eu le choix malgré l'exposition prématurée que cela m'imposait. Les informations qui nous venaient de l'extérieur faisaient état d'une alerte maximale de la Milice et la chaine d'info gouvernementale parlait en boucle d'un début de guerre civile à l'instigation de "terroristes". Tout cela ne disait rien qui vaille et Malkovik pouvait bien me supplier du regard de ne pas y aller, je devais savoir ce qui se passait dans "ce dehors-là". Je n'avais pas prévu de refaire surface de façon aussi abrupte et j'imaginais sans peine l'incompréhension qui serait la leur, si je croisais Scarlett, Mara, Jessica, Sélène, Zack ou toute personne me connaissant plus qu'un fan. J'avais pensé préparer mon retour. Le Destin en avait décidé autrement et ne me laissait pas davantage de temps que lors de mon départ. D'ailleurs si ce que nous avions compris du phénomène Markus et moi s'avérait, il se pouvait tout aussi bien que je sois un obscure inconnu ou même déjà mort dans ce monde-là. Pourtant, j'avais franchi le pas et étais parti en reconnaissance dans ce que nous soupçonnions d'être un avatar d'Asaria, une de ses multiples représentations parallèles... J'étais encore loin de m'imaginer alors, que j'allais assister à l'incarnation de tout ce que je voulais éviter au peuple asarien. Le film en cinémascope de mon pire cauchemar ...
Je me redressai pour m'asseoir sur le canapé et me massai les tempes comme si cela pouvait chasser ces visions de carnage aux quelles j'avais assisté quelques heures auparavant. Je n'avais pas eu le choix, non. Chacune des personnes que j'avais voulu envoyer aux nouvelles à l'extérieur s'était heurtée à un mur invisible et impénétrable. Toutes les issues d' A.U.R.I.S. semblaient condamnées comme si le bâtiment entier était sous un autre dôme, indépendant et invisible. Sans aucune issue perceptible. En rage et brûlant de savoir de quoi il retournait à l'extérieur, j'avais finalement tenté de franchir moi-même la porte principale du hall d'entrée et, comme je l'avais pressenti, je m'étais retrouvé sans aucune difficulté sur le trottoir. Il m'avait été facile également, de passer ensuite d'un dôme à l'autre pour finalement découvrir une agitation de plus en plus fébrile lorsque je survolais le Dôme humain. La situation du Bidonville était particulièrement insoutenable et quand je m'étais matérialisé sous ma nouvelle apparence pour approcher la surface du sol mon cœur s'était serré en identifiant distinctement plusieurs personnes chères dont il m'avait semblé percevoir la détresse. La suite des événements était à présent gravée dans ma mémoire en de douloureuses images comme elle l'était certainement dans celle des survivants de ce carnage monstrueux.
Quelque part dans cette "autre réalité", Mara, soutenu par l'homme de sa vie et par sa fille, pleurait les Pacificateurs tombés à terre, et tous les innocents, Scarlett découvrait sans doute un des plus précieux secrets des Terres Sauvages et assistait au rétablissement de sa petite protégée. Amaria se posait des questions sur cet être étrange dont elle avait croisé la route au cœur de la bataille. Je souris à cette pensée réconfortante. Malgré les massacres et ces heures sombres, Mara était entourée des siens, Scarlett enfin en sécurité et parmi ceux à qui je voulais la confier, parmi les miens. Amaria ... ma sœur ... combien de fois nos chemins devaient encore se croiser avant de nous réunir ?
Mon esprit vagabonda encore sur les événements dont j'avais été le témoin dans cette dimension puis les mots de l'Entité me revinrent en mémoire. Pas ceux que j'avais perçu sur le champ de bataille, mais ceux plus anciens du soir où ma nature m'avait été rendue. Malgré moi cette promesse improbable revenait régulièrement me hanter... Un fils ... Zack aurait pu en témoigner, il était fort possible que je sois père, sans le savoir, du fruit de plusieurs nuits de débauche ou d'aventures sans lendemain. Ce qui ne cadrait pas avec le possible témoignage de mon acolyte était qu'on m'annonçait un fils à naître et non déjà né. La bonne blague. J'étais tellement occupé ces derniers temps que si je n'avais pas eu des besoins d'élimination naturels, j'aurais probablement oublié que j'avais une ... Enfin une ... Mais merde! Pourquoi mon esprit ne parvenait-il pas à penser ce mot ? Une q ... une .. une. C'est quoi ce bor ..bazar ? Je résolus de prononcer le mot à voix haute. - Que ... nouille! Put... ride rombière édentée de mauvaise vie! Mais fais chi ... suer!!
Chaque tentative de prononcer un mot ordurier se solda par un tremblement des murs vitrés et de la tour tout entière. Je levai les bras au ciel, exaspéré.
- Ok, ok! J'ai compris ! Alors quoi ? Je n'ai plus le droit de dire des gros mots ? Et en chantant ? Je fis un essai avec un couplet de Robin Hood qui se trouva immédiatement censuré et fit trembler la tour de façon conséquente.
- Hé ben, ça va être pratique en concert !
Mais j'avais bien d'autres sujets de préoccupation, au delà de ma soi-disant paternité à venir qui, étant donné ma vie monacale, devrait certainement résulter d'une opération divine. Je savais que Mara, Amaria et Scarlett avaient échappé à la mort et étaient en sécurité dans cette "autre réalité", mais je savais également que beaucoup d'êtres innocents avaient péri. Cette vision d'une autre dimension n'était pas la première et chacune de celles que j'avais vécues portait un message, qu'il soit avertissement ou espoir d'un possible meilleur. Celle-ci ne différait en rien des autres mis à part la façon dont elle était survenue. Elle avait choisi la lance d' A.U.R.I.S pour s'imposer et se substituer à notre réalité. C'était également la première fois que deux dimensions cohabitaient, le bâtiment d' A.U.R.I.S. étant resté le seul point d'ancrage dans notre monde. Je m'efforçais de remettre de l'ordre dans mes pensées, me rememorant l'issue de ces moments dramatiques encore récents et pourtant étrangers au monde où je me trouvais à présent.
retour à la réalité:
Après avoir aidé les malheureux piégés par la Milice dans le Bidonville, après m'être assuré que tous ceux que la mort avait épargnés étaient passés dans un des couloirs pour fuir l'enfer du champ de bataille, j'avais refermé les portes spatio -temporelles et un besoin impérieux de retourner dans mon repaire, mon nid d'aigle de la Tour d' A.U.R.I.S. s'était fait sentir. Sitôt que j'avais atterri sur la plate-forme au sommet de l'antenne, une onde sonore avait frappé le Dôme Principal et s'était propagée aux autres, puis aux Terres Sauvages. La puissance de ce souffle m'avait plaqué à la paroi en verre de la terrasse. Alors que je repliais mes ailes, j'avais senti le flux transiter par le canon sonique de l'antenne comme s'il venait y puiser pour ensuite rejaillir et se répercuter dans les coupoles. Devant moi, le mur invisible que je venais de franchir dansait en des reflets moirés et changeants au gré des sons qui se faisaient entendre. J'avais murmuré comme dans un rêve.
- La couleur des sons ...
J'étais entre la paroi de verre qui me séparait encore de la salle de contrôle et ce mur mouvant... Fasciné, hypnotisé. J'avais tendu la main et la tonalité du son avait changé. J'avais plongé mes doigts dans ce rideau lumineux et les vibrations s'étaient accélérées. Une main m'avait agrippé et tiré dans la salle de contrôle.
- Vous imaginez pas les radiations qu'il peut y avoir dans un paradoxe temporel ?
Je m'étais retrouvé assis sur le sol de la salle de contrôle de l'antenne, Malkovik penché sur moi, l'air inquiet. - Comment vous sentez-vous ? Gabriel ? Vous venez de percuter un couloir paradoxal ... ou de vous taper le pont d'Einstein-Rosen
Je me frottais le crâne. Bon sang, ça bourdonnait comme dans une ruche.
- Un peu sonné. Je fais pourtant ce genre de truc chaque matin avant le petit déjeuner ...
- Vous plaisantez ? Là c'est toute la planète qui a basculé dans une réalité alternative. A.U.R.I.S. était comme un phare en pleine tempête magnétique. On a pensé crever. Et on vous pensait perdu... Et puis on vous a vu atterrir juste avant la seconde onde de choc. Heureusement que j'avais eu l'idée d'ouvrir les volets ...
J'avais fait mine de me relever mais je me pliai en deux de douleur.
- Bor ... dure fleurie ! Vous êtes certain d'avoir rouvert les volets à temps ? Je m'en serais pas tapé un ? J'ai l'impression d'avoir été démantibulé puis réassemblé... Amenez-moi une pu... naise de bassine avant que je dég... aine mon estomac sur le carrelage ! - C'est un peu ça en fait ... Chaque voyage de ce genre implique une désintégration mollé ...
Interrompant Markus, j'avais serré les dents et fermé les yeux pour tenter de reprendre pied. - Je veux même pas savoir ...Fais ch ... Ça tourne ...
Malkovik avait envoyé un assistant chercher la dite bassine et, la main sur mon épaule, m'avait suggéré de rester assis par terre. Après avoir rendu tout ce que j'avais absorbé dans les douze heures précédentes, j'avais repris mon souffle et fébrilement demandé :
- Checkez tous les paramètres et les coordonnées ... Quelles nouvelles de l'extérieur.
- Déjà fait... La Terre est revenue à sa place. Enfin, la nôtre ... Le time code s'est à nouveau figé puis a repris son décompte à 22. 45.18. Mais cela ne vous surprendra pas, je suppose ? Tout est calme. R.A.S. Juste la routine au niveau des patrouilles de la Milice, on dirait même que tout le monde se tient peinard... - Je dois aller vérifier ... - Gabriel ... Quoi que vous ayez vu, c'était comme un cauchemar, ce n'était pas la réalité mais un autre monde, une autre dimension, une autre version d'Asa...
J'avais agrippé le col de mon collaborateur le plus dévoué et hurlé:
- Ta g... oëlette ! Tu sais pas ce que j'ai vu ! Tu sais pas !!! Je dois m'assurer que tout est calme ici. Et c'était très réel ... Ces gens sont morts, ont souffert, même si c'est une autre réalité.
Malkovik avait secoué la tête d'un air navré.
- Vous ne pouvez pas porter, en plus, la souffrance de tous les autres mondes, Gabriel. Vous allez y laisser votre...
- Pauvre con ...combre ! C'est ce que je fais depuis toujours ! Je dois y aller. Je dois voir qu'ils sont toujours vivants ! De mes propres yeux !
Oui, dès que l'alignement était revenu à sa position initiale, j'avais voulu voir de mes propres yeux que ce monde qui était le mien, ce monde que je pensais haïr, n'avait pas basculé dans la folie la plus totale ! Pas encore! Je voulais m'assurer que je pourrais encore empêcher cette réalité là de se calquer sur celle que je venais de voir. Je voulais croire encore à l'alternative que j'avais fait découvrir à Sélène ... Celle que j'avais décrite à Jessica, celle pour laquelle je me battais depuis toujours ...
Mes forces m'avaient pourtant trahi sur le moment, et j'avais sombré dans l'inconscience. Markus, assez inquiet des symptômes de perte de repères et des troubles d'élocution que j'affichai, m'avait installé sur le canapé pour que je récupère. Mais à présent que j'avais repris pied, maintenant qu'il était plongé dans ses calculs scientifiques pour étudier le fameux pont d'Einstein-Rosen que le canon sonique avait créé, je savais qu'il était temps de revenir parmi les vivants ... parmi les miens. Pour défendre finalement ce monde que je ne haïssais pas assez pour le laisser sombrer dans le néant.
Paradox
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum