[Terminé/Intrigue] Les bons comptes font les bons amis [Carter]

Cela faisait un peu plus d’une semaine que la réunion au QG avait eue lieu. Evan nous avait présenté les dangers et les soupçons qu’avait le Faucon sur ce flash d’information qui avait circulé sur toutes les chaines de télévision, les ondes radio et aussi le net. Le gouvernement voulait, semble-t-il, renforcer sa puissance et son hégémonie sur la population, bien rappeler à tout le monde qu’il était la seule Force de la cité à laquelle nous devions obéir et que tous les traitres et les parias finiraient par être retrouvés et jeter en cellule. En attendant, personne ne savait exactement pourquoi le Centre de Recherches était dans la ligne de mire de la Grande Conseillère et ses ministres. Je pensais tous les scientifiques à la botte des Longues Vies mais apparemment quelque chose clochait là-bas. Quelqu’un ou plusieurs personnes avaient mis le doigt sur des données importantes, peut-être n’auraient-ils jamais dû les lire et de là, toute une aile du Centre avait été fermée d’accès, tous les ordinateurs mis sous scellé et le personnel avait pour ordre de rester à disposition de l’enquête pour les différents interrogatoires. Que nous cachait le gouvernement ? Je me souvenais de la vidéo qu’Evan nous avait montrée dans la salle de réunion et les paroles de la journaliste : « Un grand projet est en marche ».  Qu’on-t-il mit au point de si sensible pour museler le personnel scientifique ?

Depuis cette nuit-là, je m’étais rendue à la Taverne de l’Enfer. Le seul et unique bar des bidonvilles. Je devais retrouver un certain type, un mercenaire, qui se faisait appeler : « The Lord ». Je me foutais de ne pas en savoir davantage sur lui. Il était professionnel et réglo, pas ce genre de type qui jouait les fanfarons et le mec incapable. D’ailleurs, de mon côté, il ne connaissait de moi que mon surnom : « Shadow ». Et c’était mieux ainsi pour tous les deux. J’avais déjà eu à faire à ses talents et en contrepartie j’avais dû, soit le payer ou alors lui fournir des armes  et des munitions. A chaque fois, le contrat avait été efficace et sans problème. Cela faisait donc plusieurs nuits que je me rendais à ce bar pour tenter de l’apercevoir. J’y restée jusqu’à la fermeture. Le couvre-feu des bidonvilles varié selon les envies du gouvernement. Et le patron du bar devait se plier à ces directives s’il ne voulait pas finir en prison ou bien tué par les Miliciens.

Le cinquième soir arrivait et je commençais à me dire que ce Lord ne se montrerait jamais. Peut-être lui était-il arrivé quelque chose durant une de ses missions. J’en doutais mais tout pouvait arriver à n’importe qui de nos jours. Je n’avais aucun moyen de le joindre et si je tombais sur lui, je me jurai de lui demander un téléphone ou n’importe quoi pour le joindre plus vite et plus facilement. Assise au comptoir, je buvais tranquillement ma bière au goulot, inspectant à chaque fois que quelqu’un entrait à l’intérieur, la porte et ses allées et venues. J’avais horreur d’être impuissante avec cette impression fâcheuse de tourner en rond. Je ne savais pas ce qu’avait pu récolter Ealie de son côté et pour le moment je n’avais pas recontacté Evan et le QG. Il savait très bien que je ne le ferai qu’au moment où j’aurai des informations même  les plus maigres.

Mais ma chance, enfin, allait tourner en ma faveur. C’est à cet instant que je l’aperçus dans un blouson d’un rouge usé, une sacoche en bandoulière qui lui parait son torse musclé que je pouvais deviner sous le tee-shirt qu’il portait. Je l’observais à la dérober. Il détailla la salle et les clients avant de s’avancer jusqu’au comptoir près de moi. Je ne savais pas s’il m’avait reconnue ou pas mais je n’avais pas les moyens de perdre des minutes supplémentaires.

- Tu te fais désirer … Lord. Ça fait  5 nuits que je passe à la taverne sans pouvoir mettre la main sur toi. Il faudrait que tu me donnes le moyen de te joindre plus vite.

Je pivotai face à lui pour qu’il puisse voir mon visage, murmurant mes prochains mots pour éviter qu’on nous écoute.

- Tu te souviens de moi ?  J’ai un petit boulot à te demander. Est-ce qu’on pourrait se mettre à une table au fond de la salle pour être tranquilles et discuter sans avoir tout ce brouhaha et ces curieux autour de nous ? C'est très urgent et délicat comme mission ...

Je me redressais de mon haut tabouret, récupérant ma bière et je me dirigeais vers une table que j’avais choisi, complètement dans le recoin de la pièce, éloignée des autres clients. Je tirai la chaise et je m’installai. Je n’avais plus qu’à attendre qu’il me rejoigne … ou pas.

Bien sûr que d’habitude cela ne se passait pas de cette façon. La seule fois où j’ai été mise en contact avec ce mercenaire c’était un indic que nous avions en commun. J’avais besoin des services d’une personne qui saurait faire son métier avec professionnalisme et sans me poser trop de questions. C’était comme ça que j’avais fait la connaissance de The Lord. Pour le moment, je n’avais pas l’envie de lui rafraichir la mémoire, je voulais juste discuter d’une nouvelle affaire. Je m’éloignai du comptoir pour m’installer à la table la plus en retrait pour éviter les regards des plus curieux. Je ne m’attendais pas à ce qu’il me sorte son grand numéro comme si j’étais une petite fille naïve. C’était  étrange de voir la façon qu’on tous les hommes de se comporter devant les femmes pour montrer leur supériorité et leur intelligence. Lorsqu’il fouilla sa poche et qu’il en retira une boucle d’oreille, je fus à deux doigts d’éclater de rire.

- Une boucle d’oreille ? Tu penses vraiment que j’ai le temps de porter ce genre de babiole ? Ça contraste un peu trop avec mon treillis, mes chaussures de terrain et mon blouson. Un foulard, serait plus en raccord avec  mes vêtements. Tu devrais plutôt offrir ce bijou à une de tes maitresses.

Je bus une gorgée de ma bière avant de la reposer sur la table et de me pencher vers lui pour murmurer mes prochaines paroles. Le brouhaha autour de nous que faisaient les clients nous empêchait de discuter avec clarté.

- Désolée pour la méthode mais je n’avais aucun moyen de te joindre. La première fois, c’était une personne de notre connaissance commune qui m’avait mise en relation avec toi. Or, cet idiot c’est fait mettre en cellule. Les Miliciens l’ont surpris à refourguer des pièces informatiques. Donc soit, j’alertais les soupçons de tout le monde en demandant après toi, soit, je me montrais discrète et attendais ta venue.  Ce qui fait que non, je ne NOUS mets pas en danger comme tu sembles le croire. J’ai pris mes précautions. Bref, là n’est pas le sujet de cette rencontre.

Je jetai un bref regard autour de nous pour m’assurer que personnes ne puissent nous observer et je revins plonger mes prunelles dans celles de mon interlocuteur.

- Tu as du voir le flash info qui est passé sur toutes les chaines, il y a, à peu près, une semaine de ça concernant le Centre de recherches ?  C’est assez louche ce qui s’y trame. Le gouvernement ne s’emploierait pas à faire autant de publicité médiatique autour de ça. Si tu acceptes, j’aimerai que tu enquêtes sur cette histoire. Qu’est-ce que le gouvernement nous cache ? C’est quoi ce projet dont la journaliste à parler à la télévision ? Je n’ai aucun renseignement à te donner pour t’aider parce que je suis moi-même dans le flou le plus total. Je me méfie des Anciens. J’ai un mauvais pressentiment. Si tu as accepte, comme la dernière fois, je te paierai une première partie avant et l’autre après. Sauf si tu veux autre chose que de l’argent.

J’avais résumé toute la situation en quelques phrases pour qu’il puisse réfléchir à notre éventuel accord. La mission que je lui confiais n’avait certainement rien à voir avec ce qu’il connaissait ou ce qu’on lui demandait de faire. Mais avec toutes les relations qu’il devait avoir, The Lord pouvait au moins glaner des informations précieuses pour mon compte.

Titiller les hommes dans le bon sens et on obtient ce que l’on veut. Là, j’avais provoqué le mercenaire au sujet de sa boucle d’oreille. Je ne le connaissais pas personnellement pour savoir s’il était sérieux ou si ce petit bijou cachait toute autre chose. Je n’avais eu à faire qu’une fois à ses compétences et tout cela grâce à un  indic commun. Ce soir, je l’avais face à moi et chacun s’observait, comme deux animaux sauvages se jaugeant pour peut-être avoir la chance d’en apprendre un peu plus. Je me calai contre le dossier de ma chaise, étirant mon bras vers la table et récupérant la fameuse boucle d’oreille entre mes doigts.

- Je tenterai de ne pas la perdre, promis ! Reste à savoir où je vais bien pouvoir garder ta petite bêbête moi qui ne porte jamais de bijoux. Tu devrais penser à en faire une paire complète. Les femmes aiment avoir deux boucles d’oreilles.

Je le taquinais sur mes dernières paroles tout en glissant la boucle d’oreille dans la poche latérale de mon treillis, sur le côté de ma cuisse droite. Effectivement ce jouet technologique me servirait  pour le joindre en cas de besoin. Je croisai mes bras contre ma poitrine. Apparemment, il ne me pensait pas assez intelligente pour prendre mes précautions. Il était toujours très compliqué de faire face à un type macho et qui croyait dur comme fer qu’une femme ne pouvait pas se débrouiller comme une professionnelle dès qu’on parlait de mission. Une fois sa petite morale de servit, je lui racontai le but de cette rencontre. Je hochai la tête devant sa demande. Il aurait ses  deux billettes de duranium et ses 150 crédits. Mais là où il m’étonna, ce fut au moment où il m’avoua en savoir déjà un peu sur ce qui se tramait au Centre de Recherches. Je jetai un bref regard discret autour de nous. La salle de la Taverne était remplie de monde et je n’étais pas certaine que ce soit le bon endroit pour en discuter. Je me remis bien droit sur ma chaise, me penchant vers lui.

- J’ai déjà les crédits sur moi … J’étais à peu près certaine qu’il allait me demander de l’argent, donc je m’étais pointée avec 200 crédits, ce qui était parfait. Tu crois que c’est l’endroit le plus sûr pour discuter de tout cela ?

Nous savions tous, malheureusement, que des humains bossaient pour les Asariens. Des traitres qui vouaient une adoration pour la race suprême et j’étais d’une nature très méfiante. Je me redressai de mon siège, posant ma main sur l’épaule du Mercenaire tout en lui murmurant quelque chose à son oreille.

- Je connais très bien le patron, je vais lui demander de nous prêter sa cave pour quelques instants. Nous serons plus tranquilles pour parler. J’ai horreur de voir tous ces regards braqués sur nous deux.

Le patron, un homme d’un certain âgé était un vieil ami. J’avais longtemps travaillé ici en tant que serveuse avant d’accepter un boulot dans le garage d’Ethan. Ce qui correspondait un peu plus à ma personnalité. Il ne savait rien sur ma nature de Rebelle et je préférai ne rien lui dire. Il accepta sans me poser de questions, à me laisser descendre dans sa cave tout en lui indiquant qu’un homme allait me suivre. J’ouvris la vieille porte en bois toute usée et j’allumai la lumière, descendant les marches qui grinçaient  sous mes pas. La pièce n’était pas grande mais je savais qu’il y avait un accès qui donnait dans une galerie souterraine. Une sorte de dernière issue en cas de besoin si des Miliciens se pointaient par ici car je n’avais aucune intention de me faire attraper et jeter en prison. Je me retournai pour voir descendre à son tour le mercenaire, lui présentant les 150 crédits que je venais de sortir de la poche interne de mon blouson.

- Je t’écoute. Qu’est-ce que tu as à me dire sur ce Centre de Recherches et les intentions du gouvernement ?

Une fois à l’abri des curieux et de toutes les personnes pouvant se retourner contre nous si l’une d’elles travaillaient pour la Milice ou pour le compte d’un Asarien hautement friqué, je lui tendis les 150 crédits qu’il avait demandés pour valider sa mission auprès de moi. La cave de la taverne était un moyen sûr de pouvoir continuer à discuter de ce genre de sujet délicat. Je m’appuyai contre le mur humide, croisant mes bras contre ma poitrine et j’écoutai avec grande attention tout ce qu’il allait me dire. Quelque chose se tramait au cœur même de la cité. Nous ne savions pas quoi mais rien qu’en sachant ce que les médias avaient déjà laissé filtré au sujet d’un projet secret que le gouvernement gardait précieusement, il y avait de quoi s’inquiéter pour le sort des humains. Le mercenaire commença alors sa petite histoire. Il débuta avec  une information concernant une enfant qui aurait servi de cobaye dans les locaux du Centre. Je me demandais ce que les Asariens pouvaient faire avec une gamine ? Qu’est-ce qu’elle avait de plus que les autres enfants de son âge et de sa nature  et pourquoi les Pacificateurs s’en étaient-ils mêlés? Ce groupe de naïfs et farfelus utopistes qui croient encore à une paix entre les deux races ! Quels idiots ! Parfois, j’aimerai ne rien savoir de ce qui se passe derrière les murs immenses du Centre, ça m’éviterait d’avoir la gerbe comme en cet instant. Je mettais cette première donnée dans un coin de ma tête. Les Pacificateurs n’étaient pour le moment pas une priorité. Il y avait donc un traitre, une taupe qui aurait bossé pour les Pacificateurs et qui les aurait aidés pour sauver cet enfant. Voilà donc pourquoi certains secteurs du Centre avaient été fermés et mis sous haute surveillance. Je gardais toujours le silence, préférant ne pas l’interrompre dans sa tirade.

La seconde rumeur me fit sourire quand il commença à parler des Rebelles.

- C’est une blague ? Les rebelles n’ont rien avoir avec cette histoire d’enfant ou de taupe ! Allons soyons sérieux un instant !  C‘est juste de la fumée pour aveugler tout le monde, les médias et la population. C’est tellement mieux de mettre ça sur le dos d’un groupuscule.

Je me redressai et je commençai à faire les cent pas tout en réfléchissant à haute voix pour tenter de trouver une solution à tout cela.

- Quelque chose sonne faux. Je n’ai pour le moment pas l’intention de mettre le nez dans les affaires des Pacificateurs … quoi que ça soit intéressant de faire capoter leur mission. Mais je ne suis pas là pour ça. Je me fous aussi de la taupe. Par contre, ce que je veux c’est savoir sur quoi travaillaient le personnel du Centre, pourquoi la Milice est sur les lieux, pourquoi des ordinateurs ont été confisqués ? Peut-être que cela a un rapport avec cet enfant ou alors là aussi, c’est de la poudre aux yeux : le gouvernement se sert de cela pour dissimuler un tout autre projet.

Je m’approchai du Mercenaire assis sur l’une des vieilles caisses en bois de la cave, me plantant devant lui.

- Vas-y ! Enquête ! Tu as carte blanche et s’il te faut plus de crédits, je te les paierai ! Il faut que je sois fixée sur tout cela. Glisse-toi au Centre et tente de te connecter à un des ordinateurs de l’aile qui est sous surveillance de la Milice et récupère tous les dossiers qui pourraient te paraitre sensibles ou des dossiers bizarres avec des noms de codes étranges. Les médias ont parlé d’un nouveau projet du gouvernement, quelque chose d’énorme … Et ce n’est pas sur une taupe qu’ils bossent ! Dès que tu auras des renseignements, on se retrouvera ici, même endroit. Voici comment tu pourras me joindre.

Je sortis de la poche de mon blouson, un téléphone portable, verrouillé et sécurisé sur une seule et unique ligne.

- Il n’y a qu’un numéro de téléphone enregistré. La ligne est cryptée et sécurisée. Tu pourras me téléphoner à tout moment. Tu auras tes deux billettes de duranium au retour.
Alors ? Marché conclu ?

Je lui présentai ma main pour sceller notre contrat. De toute évidence nous marchions sur un chemin brûlant en empli d’embûches. C’était à lui que reviendrait le mot de la fin.