(Terminé) J'ai une mission à te confier [ Aiden]

Leader des Pacificateurs Humaine

23H51.
Salle de réunion.
Quelque part dans les souterrains du QG.

J’avais donné rendez-vous à Aiden à minuit précise au QG. L’entrée du Phoenix était dissimulée derrière des rochers et de hauts arbustes. Seul le médaillon que chacun des membres portaient, pouvait ouvrir la roche qui se divisait en deux laissant place à un long tunnel qui descendait dans les souterrains, longeant une rivière. A partir du moment où un médaillon activait l’entrée, les différentes caméras surveillaient les moindres faits et gestes de cette personne jusqu’à ce qu’elle arrive dans les locaux mêmes de notre base. Les Asariens ne pouvaient pas sortir de la cité et de ses dômes en verre tant que le soleil n’était pas entièrement couché au risque de subir de violentes brulures que même la propriété de régénération de leur sang ne pourrait endiguer. Le printemps faisait de plus en plus reculer l’heure où l’astre solaire disparaissait derrière le voile noir de la voute stellaire. Il fallait aussi presque 2h30 pour parcourir les terres sauvages et parvenir jusqu’au QG. La moto restait le moyen le plus rapide et le plus discret. Le flash info qui avait été diffusé sur toutes les chaines de télévision et sur les ondes radios me procurait du souci. Le gouvernement ne pouvait pas interdire toutes activités au Centre de recherches sans avoir de bons arguments. Nerveusement, je pianotais sur le clavier de mon ordinateur, repassant la vidéo que l’on pouvait retrouver sur divers sites d’informations.

Un an et demi plutôt, ma fille, Héméra avait été kidnappée par les soldats de la Milice. Aiden ne faisait pas encore partie du groupe à cette époque-là et il ne devait pas être au courant de toute cette histoire. J’allais devoir lui conter les jours sombres que j’avais vécu lorsque que ma fille état devenue le cobaye du gouvernement, comment le groupe avait été informé de sa présence dans les locaux du Centre et comment nous l’avions délivré sous les yeux des plus Puissants. Aujourd’hui ce cauchemar s’éveillait de nouveau mais bien plus que cela. Ce n’était plus ma fille qui était en danger mais bien des Pacificateurs qui se trouvaient à cette époque-là entre les murs des laboratoires. Le récit était complexe et j’avais devoir choisir mes mots pour qu’elle devienne claire pour le mercenaire qui avait choisi de rejoindre nos idéaux.

Je pivotai sur moi-même redressant le menton pour détailler les grands panneaux qui se dressaient devant moi, prenant quasiment tout le pan de mur. D’un côté la carte de la cité- même et ses dômes. De l’autre les innombrables galeries souterraines qui grouillaient sous nos pieds, que ce soit dans les terres sauvages que à l’intérieur de la mégapole. Les Insoumis avaient nommé cela : la fourmilière tant le réseau était vaste. C’était grace à l’un de leur leader, Logan Hiddes que j’avais pu avoir accès à une certaine partie de ces labyrinthes. Il était évident que ce groupe protégeait leur territoire. Ce qui était tout à fait logique. Mais au moins, j’avais un pacte qui me liait à son chef.

Au son familier du sas qui s’ouvrait, je me retournai vers la personne qui venait d’entrer et qui s’approchait vers moi. Aiden Backer était l’un des rares mercenaires Asariens à avoir rejoint nos rangs. Je m’avançai vers lui, lui offrant un sourire sincère. Je lui tendis ma main pour le saluer.

- Bonsoir Aiden et merci d’être venu aussi vite sans me poser trop de questions. Je ne pouvais répondre à toutes tes interrogations au téléphone. Le voir par tes propres yeux est je pense la meilleure solution.

La salle comportait des sièges et une longue table en forme de U. Face aux sièges un écran géant. Je pris la tablette tactile et je basculai les informations devant nous. Deux dossiers s’affichèrent simultanément ainsi que les photos de deux hommes.

- Je te présente deux de nos alliés : Dylan Anders et Aaron Williams. Ils travaillent tous les deux au centre de recherches depuis plusieurs années maintenant. As-tu vu le flash info qui circule un peu partout ces derniers jours ?

Il était presque impossible de ne pas y être tombé dessus vu tout le tapage médiatique qui avait eu autour de cette histoire.

- On pourrait penser que ce n’est qu’un énième exemple de pouvoir du gouvernement et ne pas faire trop attention à cela sauf que … Il y a environ 1 an ½ ma fille a été capturée par la Milice. Elle a très vite été transférée au Centre de recherches. Ce même centre a été cloisonné et tous les employés et chercheurs avaient reçu comme ordre de ne pas sortir du bâtiment. A ce moment-là, Aaron Williams y était présent mais pas Dylan Anders. Sauf que la femme de ce dernier ne sait rien agissement de son époux comme Pacificateur. Or aujourd’hui, de nouveau, le Centre est sécurisé. Des ordinateurs ont été récupérés par le gouvernement et le personnel a reçu pour ordre de se tenir à la disposition de l’enquête. Je ne sais pas si tout est lié ou pas … Mais je ne tiens pas à risquer la vie de mes Pacificateurs. Pose-moi toutes les questions qui te passent par la tête. Tu dois en avoir.

Invité

Il aurait presque prit plaisir à sentir l’air nocturne fouetter son visage. Presque. Il faisait bon, aucun nuage n’étaient là pour obscurcir les étoiles qu’il pouvait admirer à sa guise. Pourtant son esprit était ailleurs. Si Mara faisait appel à lui de cette manière c’est que quelque chose clochait, et cela semblait lui poser souci. Après tout il doutait fortement qu’elle l’invite simplement à boire un verre pour discuter des derniers potins chez les pacificateurs. Les ragots ne le dérangeaient pas plus que ça, mais quand même. Et puis vu les compétences qu’on pouvait lui attribuer il ne se faisait pas trop de doute. Enfin bon, ce n’était pas lui qui dirait non à un peu d’action. Par contre si il pouvait éviter de se prendre des coups ce coup-ci il ne dirait pas non.

Enfin bref, il coupa bien vite la musique qui résonnait dans ses oreilles lorsqu’il se rendit compte qu’il arrivait à destination. Cette moto lui avait coûté une petite fortune, mais cela valait le coup. Les nouvelles technologies faisaient des miracles ! Le déplacement magnétique rendait la chose quasiment inaudible, ce qui lui avait permis de sortir du dôme sans trop attirer l’attention de la milice. Les rares fois où il l’avait croisé après le couvre-feu ne lui avait pas laissé de très bons souvenirs.

Il finit par s’arrêter non loin de l’endroit où il savait qu’était caché le QG de l’organisation. Les montagnes en elles-mêmes étaient une assurance du secret de cet endroit, et même une fois arrivé sur place le trouver était loin d’être une partie de plaisir pour un visiteur non averti. Heureusement, malgré le nombre assez limité de fois où il s’était déjà rendu ici, Aiden était devenu assez familier des lieux pour trouver son chemin sans trop de souci. Sortant son médaillon de la poche intérieur de sa veste, le jeune homme le regarda un instant avant de l’utiliser pour ouvrir la porte métallique et de s’enfoncer sous terre.

[…]

Il sortit de l’ascenseur et s’engagea dans le couloir qui s’ouvrait devant lui, saluant au passage quelques personnes à qui il avait déjà pu parler. Il était encore loin d’être familier avec tout ce petit monde, au fond ça ne faisait pas si longtemps que ça que les circonstances l’avaient conduit à se tourner vers le groupe de Mara. Il était loin de regretter sa décision, mais il lui arrivait encore parfois de se demander si leur cause avait une chance d’aboutir à quelque chose de concret. Bon, ça c’était peut-être aussi parce qu’il avait une forte tendance à la mélancolie lorsqu’il était seul, si bien qu’il n’en faisait pas grand cas. De toute façon le simple fait d’emmerder le gouvernement suffisait amplement à son bonheur.

Le sas s’ouvrit à son passage, lui arrachant un petit sourire pensif. Il se demandait encore comment ceux qui avait construit cet endroit avait pu se procurer tout ce matériel au nez et à la barbe des autorités. Il fallait croire que la toute-puissance de ces ordures n’était qu’une illusion. Tant mieux pour eux d’ailleurs.

- Comment refuser l’invitation de notre chef tout puissant ? Rétorqua-t-il avec un sourire en serrant la main tendu, préférant attendre qu’elle lui en dise plus sur la chose qu’il devait voir avant de la questionner tout de suite. Il ne doutait pas qu’elle ne tarderait pas à se jeter à l’eau. Ce qui s’afficha ensuite à l’écran le lui confirma. Posant ses mains sur le dossier de l’un des fauteuils près desquels il s’était posté, Backer tendait l’oreille en direction de sa compagne. Il n’avait encore jamais croisé ces types, sans doute parce que le domaine de tous ces cerveaux restait pour lui en grande partie un mystère complet. Il préférait les activités plus terre à terre. La question qui lui fut posée vint bien vite le tirer de ses pensées, l’incitant à reporter son attention sur Mara.

- Ah ça ! Ouais. Ils m’ont empêché de voir la fin de ma série avec… enfin euh… hum… oui je l’ai vu. Il ajouta avec une pointe d’ironie en jetant un nouveau coup d’œil aux deux hommes. Vu que tu m’en parles je suppose qu’ils font encore ça pour le bien être de tout un chacun. Nephtys est toujours tellement attentionnée avec son bon peuple…

Mais non, malheureusement ça ne sentait pas bon ! Ce n’était pas spécialement étonnant à vrai dire. Il n’était peut-être pas le type le plus objectif qui soit lorsqu’il était question du pouvoir en place, vu le ressentiment grandissant qu’il ressentait à son encontre depuis déjà plusieurs mois, mais personne ne pouvait dire que ses actions étaient toujours empruntes de bonté.

La soudaine mention de l’enlèvement de sa fille suffit pour lui ôter toute envie de se lancer dans quelques mots d’esprit. Il l’écouta, sans l’interrompre, avec un sérieux assez rare pour être noté. Il faut dire que ce n’était pas des histoires qu’on lui racontait tous les jours !

- Sans blague. Lâcha-t-il avec un air presque amusé lorsqu’elle lui parla de ses questions probables. Il laissa planer un court silence, tandis qu’il cherchait à intégrer tout ce qu’elle venait de lui dire. Donc… ta fille a déjà eu à faire à eux, et le scénario se répète ? Génial. Tout cela ne lui disait étrangement rien qui vaille. Mais… qu’est-ce qu’ils pouvaient vouloir à une gamine au juste ? Et qu’est-ce que ça a à voir avec ces deux-là ? Demanda-t-il en faisant un geste en direction des deux portraits. Tu penses qu’ils ont des soupçons ?

Et surtout, dans l’hypothèse où quelque chose de pas très net se tramait – Ce qui était quasiment une certitude, il fallait bien le dire – il se demandait bien ce qu’elle pouvait attendre de lui. Tenter d’obtenir des informations sur ce qui motivait toute cette mise en scène peut être ? A condition qu’il puisse y arriver bien sûr… il ne s’était encore jamais attaquer à des dossiers sensibles du gouvernement, et il n’était pas pressé de s’y risquer. Enfin bon, Mara lui dirait bien en temps voulu. Pour le moment il ferait mieux de se concentrer sur le moment présent.

Leader des Pacificateurs Humaine

Les Pacificateurs vaquaient tous à leurs occupations mais lorsque je faisais appel à l’un deux, ce n’était pas pour le plaisir d’imposer mon rang de leader. Non, c’était pour prévoir un danger, le contenir ou alors le résoudre. Tout ce qui se tramait au Centre de Recherches ne faisait qu’éveiller de vieux souvenirs que j’aurai préféré taire et mettre de côté. Cependant ce n’était pas le cœur de la maman que j’étais qui devait parler mais bien celui de la meneuse de tout un groupe. Aiden s’était prêté au jeu de m’écouter lorsque je commençai à lui résumer la situation et le fameux flash info. Son humour et ce petit zeste d’ironie qu’il affirma me fit sourire avant de reprendre mes explications sur des évènements passés concernant ma fille. A cette époque-là le mercenaire ne faisait pas encore parti du groupe. Je ne relevai pas la remarque sur Nephthys. Il avait raison. Notre chère Dirigeante de la cité était une vraie vipère qui savait parfaitement mener son gouvernement et tenir sous son joug les pauvres humains. Je me tournai vers lui écoutant attentivement ses réflexions à hautes voix et ses questions. Il ne savait pas tout et j’allais devoir lui révéler un secret personnel.

- Le scénario ne se répète pas vraiment. Personne n’a été enlevée. Mais j’ai un mauvais pressentiment. Pourquoi soudainement et après plus d’un an après, le gouvernement s’entête-t-il a contrôler le Centre de recherches ? Pourquoi des ordinateurs ont-ils été confisqués ? Pourquoi le personnel a pour ordre stricte de ne pas sortir de l’enceinte des dômes et d’être à la disposition de la Milice pour des interrogatoires ? Alianka de Nephthys et son bras droit, Van Brenner ne font jamais rien pour rien … Ce flash info est un leurre qui cache autre chose. J’en suis certaine.

Je reposai la tablette sur l’immense table de réunion qui formait un grand U. Je devais le mettre au courant de plusieurs détails.

- Certains Pacificateurs connaissent cette histoire que je vais te raconter parce qu’ils sont proches de moi et aussi parce qu’ils m’ont aidée à sauver ma fille. Héméra n’est pas une enfant comme les autres. C’est bien pour cela qu’Alianka a tout mis en œuvre pour me l’arracher. Depuis la création du SEER et des tous premiers Asariens que l’on nomme aujourd’hui Anciens. La race supérieure devait primer sur celle des humains. Exterminer les déchets que nous sommes pour ne laisser place qu’à l’unique nation asarienne: plus forte, plus intelligente. Alors tu imagines bien que le gouvernement a fait en sorte durant toutes ces années à contrôler les réactions des uns et des autres. Les Asariens haïssaient les Humains et vis-versa. Sauf qu’ils ne s’attendaient pas à ce que les Pacificateurs apparaissent. L’union de ces deux races pouvait exister.

Et cette union se répercutait sur plusieurs points et sur l’avenir de notre monde.

- Les Anciens ont toujours mis en avant leur domination et la pureté de leur descendance. Mais un grain de sable allait tout faire basculer. Ma fille est ce qu’Alianka nomme d’une façon très batarde: une hybride. Si je suis humaine. Son père est un Asarien. Héméra est l’unique enfant issu des deux races qui existe actuellement aujourd’hui. Donc elle est à la fois très importante pour le gouvernement mais aussi une menace à faire disparaitre. Car réfléchis un instant si tout le monde savait que les humains et les Asariens étaient parfaitement compatibles, la politique que mène notre Dirigeante et toute sa clique de ministres tomberaient en cendres.

Ma révélation pouvait faire l’effet d’une bombe. J’en étais consciente. C’était bien pour cela que je laissai à Aiden le temps de tout emmagasiner et de bien peser tous les mots que je venais de lui dire. Puis je repris mon petit discours qui allait maintenant annoncer clairement sa présence au QG.

- Ces deux hommes : Aaron Williams et Dylan Anders sont liés à l’enlèvement de ma fille. Le premier était présent au Centre de recherches lorsqu’elle fut amenée pour y subir des tests scientifiques sans savoir tout ce qui se passait. Le personnel avait reçu pour ordre de ne pas sortir du bâtiment durant la détention de ma fille. Aaron se retrouvait donc impuissant pour l’aider et la sauver. Le second est un informaticien. Il a eu accès aux codes de sécurité du Centre. Il a pu nous communiquer toutes les informations pour sauver Héméra.

J’espérai avoir énoncé un résumé clair pour Aiden. Il n’était jamais aisé de mettre un pied dans une histoire aussi complexe.

- Aujourd’hui tous ces mauvais souvenirs reviennent à la surface et le danger rode non loin de nous. Le nom d’Aaron William figure sur la liste du personnel à l’heure actuel mais il y figure aussi sur l’ancienne liste d’il y a plus d’un an. Sa couverture pourrait sauter à tout moment. Sachant son caractère indépendant et intrépide, il n’acceptera aucune aide. Les laboratoires sont fermés et gardés par la Milice. Aaron ne pourra pour le moment plus se rendre au Centre. Je sais que ton boulot c’est avant tout de mener une mission à bien, de récupérer des renseignements. Là j’ai besoin que tu le protèges pour un certain temps. Observe tout ce qui l’entoure. Si tu vois la présence de Miliciens ou de personnes étranges autour de lui, je te fais confiance pour prendre les bonnes décisions. Est-ce que tu veux bien m’aider ?

Invité

Alors comme ça le gouvernement avait pris plaisir à enlever des enfants à une certaine période ? Sans doute encore une histoire sordide et pas très agréable à entendre. Mais une enfant… qu’est-ce que cela avait bien pu leur rapporter bon sang ? Sans compter qu’un enfant humain n’avait en général pas une très grande valeur. Déjà que les adultes étaient traités comme du bétail... Les assassinats et autres enlèvements étaient légions lorsqu’il s’agissait de leur espèce, et il était bien placé pour le savoir. Après tout il avait personnellement participé à certains d’entre eux au cours de sa carrière. Il faut dire que c’était relativement bien payé, et qu’il était difficile de faire l’impasse sur de telles affaires lorsque l’on débutait dans le milieu. Certes, maintenant il se dégoûtait lui-même d’avoir commis de telles exactions, mais c’était un peu trop tard pour faire machine arrière. Tout ce qu’il pouvait faire c’est essayer d’améliorer les choses. Tu parles, plus facile à dire qu’à faire.

Mara reprit alors la parole pour lui répondre, et Aiden préféra l’écouter sans l’interrompre. Cette histoire avait réussi à éveiller sa curiosité, et l’inquiétude ne tarderait sans doute pas à venir elle aussi. Les questions qu’elle se posait raisonnaient dans son esprit, et tous deux en arrivaient à la même conclusion. Quelque chose clochait. Mettre l’ensemble du centre de recherche sous quarantaine n’était pas innocent, il en aurait mis sa main à couper.

Mais rien n’aurait pu le préparer à ce qu’elle lui annonça ensuite. Elle lui faisait une mauvais blague n’est-ce pas ? L’incompatibilité des humains et des asariens était quelque chose de notoirement acquise… et malgré tout ce qu’il avait vu ces derniers temps il avait du mal à imaginer que deux membres de ces espèces si antagonistes puissent se rapprocher pour vivre une relation. Alors mettre au monde un hybride n’en parlons pas ! Et la prochaine étape c’était quoi ? On allait lui annoncer qu’en fait Nephtys était un horrible démon sans âge dont la présence n’était justifiée que par sa volonté de mettre tout le monde à sa botte par n’importe quel moyen ? Bon d’accord, c’était peut-être bien le cas en fin de compte.

Les yeux rivés sur l’écran qui affichait toujours le portrait de ces deux hommes, Backer prit quelques instants pour digérer tout ce qu’elle venait de lui apprendre. Ce n’est qu’après une légère grimace qu’il prit enfin la parole.

- C’est… euh, enfin… je m’attendais pas à un truc pareil. Lâcha-t-il avec un petit rire pensif avant de tourner les yeux vers son interlocutrice. Au moins ça explique l’intérêt du gouvernement pour cette fille. Je veux même pas imaginer ce qu’ils lui auraient fait subir si elle était pas sorti de ce centre… Sans doute quelques expériences pas très nets et d’autres ignominies, après tout c’était comme ça que fonctionnait le système. Il ajouta malgré tout, non sans une pointe de satisfaction dans la voix. C’est quand même sympa de se dire qu’on dispose de quoi faire s’écrouler tout le système. Allez, il suffisait d’exhiber cette gamine au bon peuple d’Asaria en lui criant la vérité au visage et ce serait fini n’est-ce pas ? Non, bien sûr que non… rien n’était jamais aussi facile.

Une partie de son esprit réfléchissait encore aux implications de ce que Mara venait de lui révéler lorsqu’elle en revint à ces deux types pour lesquels il était là aujourd’hui. Il commençait à comprendre l’importance de l’épée de Damoclès qui planait au-dessus de leurs têtes.

- En gros ils sont mouillés jusqu’au cou. Constata simplement le jeune homme en jetant un nouveau coup d’œil à l’écran avant de la laisser reprendre.

La situation était des plus critiques. D’un point de vue personnel il doutait fortement que cet Aaron puisse faire illusion encore bien longtemps, et Mara semblait également de son avis. Si la fermeture du centre avait bien un lien avec ces événements passés, ce qui ne faisait quasiment plus aucun doute maintenant, la milice ne tarderait pas à recouper les listes actuelles et passées et à mettre ainsi la main sur plusieurs suspects potentiels. Un haussement de sourcil accueillit la description du caractère de ce type, et cela s’accentua encore davantage lorsqu’elle lui indiqua qu’il devrait le protéger. Génial, il allait encore s’amuser…

- J’ai jamais pu dire non à une mission risqué. Rétorqua le mercenaire après quelques secondes de réflexion. Comptes sur moi. Par contre si ce William refuse que je lui donne un coup de main ça risque de pas me faciliter la tâche… ou alors je vais me contenter d’éviter tout contact avec lui. Ça risque d’être… intéressant. Il laissa planer un court silence avant de reprendre. Donc je le garde à l’œil jusqu’à ce qu’on découvre le fin mot de l’histoire. Il ajouta en pointant du doigt le portrait de Dylan Anders. Et Dylan ? Tu penses qu’il ne risque rien ?

Il ne figurait certes pas sur l’ancienne liste, mais vu son rôle dans cette affaire on pouvait s’attendre à tout. Maintenant restait à savoir comment il allait faire pour s’assurer qu’Aaron William ne tombe pas aux mains de la milice si le gouvernement décidait bel et bien de s’en prendre à lui. Après tout il avait beau être compétent, si tout une escouade de la milice faisait une descente chez lui les choses risquaient de devenir un poil compliqué.

Spoiler:

Leader des Pacificateurs Humaine

Etais-je devenue paranoïaque au point de traquer toutes les paroles du gouvernement ? Je n’espérai pas car si c’était le cas, il était temps pour moi de passer la main pour diriger notre groupe. Je m’étais toujours appuyée sur mon instinct et ce sentiment de confiance que je pouvais avoir dans notre futur, envers les humains et les Asariens. Mais les années ont amené leurs lots d’épreuves. Avais-je encore assez de recul pour ne pas mener une vendetta personnelle contre la Grande Conseillère et tous ces Anciens et plonger tout mon groupe dans des dangers inutiles ? Le rire nerveux du mercenaire me tira de mes réflexions, reportant mon attention sur lui.

- Cette petite fille … C’est ma fille … Et elle a subi assez d’horreurs pour que le gouvernement mette sur pied un autre projet aussi terrible. Tu as raison sur un point ! Ma fille peut faire s’effondrer le règne de cette chère Alianka et de toute sa clique. Une enfant âgée de 7 ans. Cela ressemble à l’ancienne légende de David et Goliath. Mais je ne mettrai pas ma fille en avant dans cette guerre raciale. Tu ne dois jamais en parler à qui que ce soit hormis les Pacificateurs. Personne ne doit savoir qu’il existe en Asaria une enfant qui possède le génome humain et asarien. Cela ne ferait qu’amplifier le combat avec les Rebelles. Et ma fille deviendrait un enjeu malheureux. Elle a le droit d’avoir une enfance.

Aiden venait de comprendre l’étendu de ces liens complexes qui nous liaient directement au gouvernement. Alianka de Nephthys savait que je ne me servirai jamais de ma fille. C’était mon point faible tout comme c’était aussi le sien.

- Voilà pourquoi jamais le gouvernement n’exposera au grand jour la vérité sur ma fille. Cela pourrait se retourner contre tous les ministres, se voir destituer de leurs pouvoirs. Il pourrait y avoir une révolution. Un nouveau chaos. Je n’ai pas mise au monde Héméra pour me servir d’elle, pour en faire une martyre.

Mais je n’avais pas convié Aiden simplement pour discuter de ma fille. Non, le souci actuel était ce flash d’information qui avait suscité pas mal d’opinions et d’interrogations dans notre groupe. Et tout cela me ramenait sans que je le veuille dans le passé. Un peu plus d’un an et demi s’était écoulé depuis l’enlèvement d’Héméra et de cette histoire au Centre de recherches. Contre toute logique, la Grande Conseillère avait étouffé cette affaire. Il n’y avait eu aucune enquête, rien qui ne puisse éveiller les soupçons et la vérité sur mon enfant. Alors pourquoi aujourd’hui, le gouvernement s’intéressait au Centre de recherches ? Aux étages même où ma fille avait été amenée ? Dans les bureaux où Aaron et Amaria travaillaient. Des frissons d’une intensité indescriptibles glissèrent le long de mon échine. J’avais toute confiance à Aaron même si certains des Pacificateurs avaient émis des doutes. Et si Aaron Williams était un double agent ? Pourrait-il nous trahir ? Non !! J’avais foi en lui et rien ne me ferait changer d’avis. Mais je ne pouvais pas non plus balayer les incertitudes des Pacificateurs. Je n’étais pas omnipotente. J’étais une leader et je leur prouverai qu’Aaron n’est pas un traitre.

- Aaron court un danger mais il ne doit pas griller sa couverture. Je n’en connais que trop bien les conséquences.

Grant Stevenson, l’homme que j’aimais, le père de ma fille, avait dû changer d’identité et de visage et se cacher, défier la Milice et les autorités avant de revenir auprès de nous. Donc, je ferai en sorte que cela ne se répète pas avec Aaron.

- Couvre-le. Qu’il le veuille ou pas. Le connaissant, il fera en sorte de ruiner tes efforts ou bien de te filer entre les mains. Aaron Williams à l’endurance et l’habilité d’un Loup. Il est d’ailleurs animorphe. Donc ses compétences sont plus affutées que celles des autres Asariens. C’est bien pour cela que j’ai pensé à toi. Tu es un homme de terrain qui ne recule devant rien. Je te laisse carte blanche pour te dévoiler à lui ou pas.

Je soupirai nerveusement, croisant mes bras contre ma poitrine.

- Si tu entends le nom de Dylan Anders, préviens-moi aussitôt et ouvre l’œil aussi bien pour toi que pour Aaron. On ne connait rien sur cet homme sauf qu’il a eu une grande facilité à nous contacter, qu’il a pu obtenir des codes de sécurité de haut niveau et qu’il a un lien avec Aaron. La femme de Dylan travaille avec Aaron. Là encore tout se lie dans un maelstrom assez complexe. Il est hors de question qu’il se serve d’Aaron ou bien qu’il le fasse tomber à sa place. Fais attention Aiden, parfois la vérité n’est pas ce que l’on voit …

Je lui tendis un dossier plastifié. A l’intérieur, il y trouverait l’adresse de la villa d’Aaron, certains lieux qu’il aimait fréquenter comme le night-club : le Diamond ainsi que l’adresse où vivait Dylan, son épouse et leur fille.

- Tu as une ligne privée sur ton téléphone portable pour me joindre à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Merci d’avoir accepté. Cela compte beaucoup pour moi.

Invité

C’était amusant comme tout semblait chercher à bouleverser l’image du monde qu’il se faisait jusqu’à maintenant. Une hybride ? Une chose qu’il avait toujours considérée comme totalement impossible… enfin d’un autre côté il n’avait jamais cherché à tester la chose par lui-même. Ce n’était pas vraiment le genre de sujet qui l’intéressait au plus haut point maintenant. Mais cela c’était peut-être aussi parce qu’il n’avait jamais réellement réfléchit aux implications qu’une telle nouvelle pourrait avoir sur la population, qu’il s’agisse des asariens ou des humains. Restait à savoir comment utiliser cet avantage au mieux de son potentiel. Rien qu’imaginer la mine déconfite de leur bonne dirigeante si elle apprenait qu’une telle révélation était rendu publique suffisait à lui mettre du baume au cœur. Mais bon, ce n’était qu’un simple rêve. Utiliser une gamine de la sorte n’était pas ce qu’il y avait de plus moral, d’autant plus que c’était la propre fille de Mara.

- Je te comprend. Finit-il par répondre dans un soupir après l’avoir regarder quelques instants. Et t’en fais pas, ton secret est bien gardé. Si c’est pour encore rajouter aux tensions avec le gouvernement c’est pas la peine.

Il hocha la tête lorsqu’elle lui exprima clairement son refus de se servir d’Héméria de cette façon en signe d’assentiment. Il ne comptait certainement pas la contredire, d’autant plus qu’il était d’accord avec elle. L’effet que cette enfant pourrait provoquer sur le peuple pourrait bouleverser bien des choses, mais le jeu n’en valait pas la chandelle. Ils trouveraient bien autre chose pour mettre des bâtons dans les roues de Nephtys de toute façon.

Mais très vite le sujet à l’origine de sa présence au Phoenix revint sur le tapis. A vrai dire il cherchait déjà une solution pour passer outre l’entêtement visible de ce type. Après tout protéger quelqu’un contre son gré restait quelque chose de relativement difficile. En général il considérait ce genre de personne comme des imbéciles bornés qui ne cherchait qu’une occasion d’avoir des problèmes, mais pour le coup il allait devoir tout de même garder un œil sur lui. Il ne savait pas pourquoi, mais il sentait que cette histoire ne s’annonçait pas comme une partie de rigolade. Quelle joie. Quant à ces fameuses conséquences si il échouait… mieux valait ne pas y penser.

- Et moi je peux que les imaginer… Lâcha Aiden d’un air sombre avant de reprendre une fois que Mara l’eut de nouveau mis en garde contre les capacités d’Aaron à le faire tourner en bourrique. Hum… moi je pense surtout que je vais finir par l’attacher et l’enfermer dans mon placard chez moi. Ça m’évitera de devoir lui courir après.

Le petit sourire qu’il arborait sur le visage ne trompait pas sur le fait qu’il plaisantait, mais cela montrait bien qu’il ne s’attendait pas à réussir cette mission sans quelques menus problèmes. Et si en plus il devait à un moment donné troquer la poursuite d’un homme pour celle d’un animal ça ne risquait pas d’arranger les choses. La discrétion, voilà ce qu’il devrait privilégier. Du moins tant qu’il n’y avait pas de signe de la milice.

Il hocha ensuite pensivement la tête au fur et à mesure que Mara lui répondait au sujet de Dylan. Un mystère à lui tout seul on dirait bien… et peut être une menace potentielle. Pourtant le fait qu’il ait déjà cherché à les aider l’aidait à le voir d’un bon œil. A voir maintenant si il avait raison.

- J’vais essayer de me renseigner sur lui, on sait jamais, ça évitera peut être de mauvaises surprises. Il a l’air de cacher pas mal de choses. Mais Aaron reste ma priorité. Il ajouta alors en réponse à sa mise en garde, d’un ton presque amusé pour la rassurer. T’en fais pas pour moi, on va régler cette histoire avant même que tu t’en rende compte. Par contre quand tu parles de « maelstrom assez complexe » c’est un sacré euphémisme.

Il reposa de nouveau les yeux sur le portrait des deux hommes toujours affichés à l’écran, et après avoir enfin lâché le dossier du fauteuil qu’il tenait depuis le début, il poussa un profond soupir en faisant face à Mara. La semaine à venir risquait encore d’être pas mal mouvementée. Aaron lui paierait peut être un dédommagement ?

- Dès que j’ai du neuf je te préviendrais. Lui répondit-il avec un hochement de tête en récupérant le dossier qu’elle lui tendait, le feuilletant brièvement avant de reprendre avec un sourire. Oh de rien. Tu sais moi dès que je peux emmerder le gouvernement… Il ajouta alors en reprenant son sérieux, cherchant à prendre un ton rassurant. Tout va bien se passer. Je vais pas le quitter des yeux.

Et ce n’était pas des paroles en l’air. Il ne s’agissait pas d’une simple question d’argent ici, c’était bien plus important. Et il ne comptait pas décevoir Mara. Il voulait se montrer utile aux Pacificateurs ? En voilà l’occasion. Et puis ça aurait le mérite de l’occuper un peu.

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