Femmes de pouvoir [Miss Bowman]

Il y a des journées comme cela  où j’aime me retirer de mon bureau et sortir de cette immense tour gouvernementale, maitresse de mon quotidien. Mon assistante personnelle, Marissa, a tout prévu et a fait reporter mes réunions et mes entrevues  pour le reste de ma journée. Je  n’ai pas à me justifier. Je suis le pouvoir tout puissant de cette cité de verre que nous avons bâti, nous Anciens, de nos mains et en unissant nos capacités formidables, élevant ainsi des dômes de verre pour nous protéger de ce soleil qui est devenu notre ennemi le plus mortel. J’ai voué ma vie et mon destin à Asaria et je le resterai jusqu’à mon dernier souffle. La limousine noire sillonne les grande avenues et à travers les vitres teintées, je peux observer tout ce que nous avons fondés toutes ces années. La Terre que nous connaissions n’existe plus que dans nos mémoires et tout cela à cause de ces humains, ces insectes que j’écraserai et que j’annihilerai une fois pour toute. Ce jour viendra. Cela ne peut être autrement.

La voie rapide est idéale pour relier le dôme principal à celui des Vices et plaisirs. La circulation est plus dense en ce début d’après- midi. Toutes ces personnes qui travaillent dans des bureaux sont revenus dans leurs sociétés et il n’y a plus ce brouhaha de foule qui se bouscule pour déjeuner aux portes d’un restaurant ou d’une brasserie. Non, là tout est redevenu calme et Asaria vaque à ses occupations, comme moi, aux miennes. J’entends le moteur se modérer puis le véhicule freiner pour s’arrêter totalement devant un établissement que j’aime plus que tout. Certes, notre cité renferme dans son sein des édifications toutes fabuleuses les unes que les autres mais le théâtre me ramène à ma vie passée, à ce que j’étais avant l’injection du SEER : un des mannequins les plus réputés et les plus demandés de sa génération, épouse d’un grand acteur de cinéma de cette époque défunte.

Mon chauffeur m’ouvre la portière, me présentant sa main pour y apprendre appui. Je bascule sensuellement mes longues jambes ciselées hors de l’habitacle, me redressant de toute ma hauteur. La jupe rouge de mon tailleur moule à la perfection ma taille et mes hanches. Le chemisier blanc atténue cette couleur éclatante, faisant ressortir l’azur de mes yeux et les contours gourmands de mes lèvres. Je remercie d’un bref signe de tête mon conducteur qui est à mon service depuis de nombreuse année, Asarien lui aussi. L’entrée du théâtre me fait subitement face mais je sais qu’elle sera fermée à cette heure-ci. Les acteurs  et les employés passent par l’entrée des artistes. Là deux agents de la sécurité gardent férocement les allées et les venues dans ce lieu magnifique. Je n’ai pas à me présenter lorsque ma silhouette se découpe devant eux. Ils me saluent suivant le haut rang que je porte et me laisse passer tout en indiquant aux agents à l’intérieur de mon arrivée et certainement à la maitresse de cet antre enchanteur.

Je connais les différents couloirs pour les avoir déjà emprunté. Le théâtre est vivant car je croise de nombreux acteurs et actrices en costume. J’ai toujours adoré cette atmosphère très particulière que l’on en retrouve qu’ici. L’appartement privé d’Emily Bowman se trouve à l’étage, c’est à la fois un lieu privé mais aussi un bureau où elle gère son établissement. Je me doute bien qu’elle a eu vent de ma présence. Je toque deux fois à sa porte. Cette dernière s’ouvre de suite et c’est un visage chaleureux et familier qui me reçoit. Emily n’est pas seulement un des membres de mon gouvernement. Elle est bien plus que cela. C’est une femme qui a su manier l’art de l’élégance et de la séduction pour se glisser dans la peau d’une femme d’affaires redoutable.

- J’espère que je ne te dérange pas. Je viens à l’improviste tout en sachant que tu as un planning très chargé toi aussi. Comment vas-tu ?

Je la serre dans mes bras avant d’entrer dans le repère de la divine brune.  Avec précaution, je sors de mon sac à main, un petit paquet bien enveloppé que je lui tends.

- Lorsque j’ai vu cela, je me suis dit que tu devais l’avoir, toi qui cherche à transmettre les œuvres de notre passé à notre jeune génération.

A l’intérieur, elle y trouverait le seul exemplaire d’un très vieux roman qui avait survécu au chaos : Autant en emporte le vent de Margaret Mitchell. Je ne viens que très rarement les mains vides voir une amie.

- Raconte-moi un peu tout ce qui se passe dans ton théâtre. J’ai entre perçu une troupe d’acteurs. Une nouvelle pièce ? Un nouveau spectacle ?