(Terminé) Underworld ? [Libre]

Une brume s'échappe de la bouche de cet homme. Il pliait un origami en tous sens jusqu'à ce que sa toux ne l'oblige à lâcher le bout de papier par terre. Le froid, l'humidité et le vent ne font pas bon ménage, leur coopération aura rapidement raison de cet homme. Korben refuse de dépérir comme lui. Plutôt se suicider que d'être réduit à la mendicité !

Il remonte d'un geste brusque son sac à dos sur son épaule et réfléchis en approchant de la Taverne de l'Enfer. « Les humains ont toujours manqué d'imagination pour nommer les lieux. » dixit un des matons de la prison. Korben reconnaissait bien là la différence culturel entre asariens et humains. Avait-il au moins une idée du trou où les humains étaient parqués ? Le dôme de la division humaine était si différent. Clairement, le budget maintenance des aérateurs se limitait au minimum. De la condensation se formait sur le dôme et des gouttes perlaient par moment pour créer une pluie malsaine. Sans compter l'odeur de moisissure, il ne faisait pas bon vivre ici. Alors, le nom d'un bar devait sans aucun doute être le dernier des soucis de la race humaine.

Korben ne savait pas quoi faire. Il avait assez de fric pour manger et crécher pendant un jour ou deux. Il pouvait toujours se rendre dans les égouts pour retrouver l'une de ces caches et avoir de quoi loger quelques temps. Mais il ne voulait pas révéler ces secrets. Il craignait d'être surveillé. Personne ne le suivait pourtant. Les asariens se foutaient de son cas. Ce n'était qu'un ancien taulard, sans intérêt. Mais paranoïaque, il était convaincu du contraire et ne voulait pas s'aventurer près de ses caches. Alors que faire ? Rien ! Rien ne le motivait, rien ne l'intéressait. S'il ne savait pas ce qu'il voulait, il savait ce qu'il ne voulait pas : ressembler à ce mendiant !

Né humain, il ne pourrait jamais avoir vraiment de pouvoir. Le pouvoir était pourtant l'une des rares choses à même de le motiver. Par contre, il pouvait essayer d'être un peu mieux placer dans la hiérarchie de la caste humaine. En prison, il avait entendu parler d'un lieu de déchéance intéressant : L'underworld. Mythe ou réalité ? Un peu des deux, le tout enrobé de bobards et de conneries rapportés par ceux qui veulent faire croire qu'ils le connaissent.

La taverne lui semblait un bon lieu pour avoir des informations sur le sujet. Il entra, s'installa seul à une table dans le fond du bar. Il avait choisi une table dans l'obscurité, proche de l'issue de secours. Il avait commandé une bière. Éventée, elle avait le goût de la pisse, mais, sortant de prison, il la savourait quand même. Après avoir descendu la moitié de sa pinte, il entendit une discussion grimper dans les décibels. Une histoire de vol, de prix indécents. Un mec et une femme commençait à se haranguer. Il ne pouvait pas laisser une femme le rabaisser. Elle ne pouvait pas se laisser marcher dessus par un mec sous peine de finir la pute de service. L'un comme l'autre devait rester sur ses positions et se montrer supérieur. Le mec avait crispé son poing. La bagarre allait éclater.

Korben ne se trompait pas. La femme avait du caractère, de la force de frappe également. Elle avait esquivé le verre que le mec avait lancé, esquivé son coup de poing également. Elle l'envoya rapidement au tapis. Insulté, il se releva et la menaça avec un couteau. Ne comptez pas sur Korben pour intervenir. Elle pouvait crever, il s'en foutait. Son seul regret se porterait sur le joli cul de la jeune femme. Elle réussit à lui faire avaler son dentier malgré la lame. Mais un autre homme la frappa lâchement. Elle vola à travers la pièce et atterrit sur la table de Korben. Il eut juste le temps de sauver sa bière.

Un homme sortit de derrière le comptoir, un fusil à canon scié à la main. Les deux connards déguerpirent avant de se retrouver avec du plomb au cul.

-- Je ne me souviens pas avoir commandé une femme avec ma bière ! lança-t-il avec une note d'humour dans le timbre de voix.

Spoiler:

La jeune femme enchérit en arguant qu’il se plaignait au lieu de se satisfaire d’avoir une femme et une bière dans les bras.

-- Rassure-toi, j’aime bien qu’une femme me tombe dans les bras. Mais je préfère au sens figuré qu'au sens propre.

Le vol plané et la remarque n’arrêtèrent pas longtemps Elisabeth qui s’empressa de revenir à la charge. Il ruina les efforts du patron qui tentait de tempérer la situation. Du fond de son siège, Korben observa la boule de nerfs d’un œil distrait. Néanmoins deux détails attirèrent son attention. Le nom prononcé évidemment, mais également la façon dont elle frappa le lascar. Elle savait se battre, aucun doute. Son entraînement devait même être militaire. La position du corps était parfaite, la garde excellente et le coup magistral.

Le glock au sol n'avait pas échappé à son attention. Il avait d'ailleurs posé son pied dessus. Quand elle s’agenouilla prêt de ses genoux, elle ne put s’empêcher une réflexion sur la situation cocasse. Silencieusement, il libéra le Glock, bien sûr pour qu’elle le récupère. Il n’avait pas envie de lui offrir le plaisir d’une réponse. Que préjugeait-elle ? Que la première pensée de Korben fut sexuelle ? Perdu ! Il se demandait plutôt qui elle était pour se battre de la sorte. Mais maintenant qu’elle en parlait, il s’avouait qu’il aurai aimé qu’elle passe un petit quart d’heure sous la table.

Elle se calma, s’installa et commença à panser ses hématomes. Il se sentait observer, inspecter même. Finalement, elle brisa le silence histoire de lancer la conversation. Où voulait-elle en venir ? Il voulait le découvrir et décida de rentrer dans son jeu, mais à sa façon.

-- Le spectacle ? Tu parles de cette fanfaronnade-là ? Si j’étais avec ces deux cons, tu serais morte à l'heure actuelle. T'aurais une balle dans le dos et ton patron une balle dans la tête. Et le pire dans tout cela, c’est que tu n’apprends rien. Tu paumes ton flingue et tu le remets quand même dans ton dos. tu as l'intention de le semer lors de la prochaine bagarre au jardin d'enfants ? Si tu veux vivre, achète-toi un holster et une épaisse veste en cuir. Là, tu seras professionnelle. Alors, pour répondre à ta question : Non ! Les spectacles d’amateur ne me plaisent pas plus que cela.

Il avait pertinemment remarqué qu’elle savait se battre au corps à corps. C’est pour cette raison-là qu’il la titillait sur la carte du professionnalisme. Il écarta son pichet de bière vide du revers de la main et fit signe au patron de lui resservir le même.

-- C’est con parce que tu sais bien te battre au corps à corps. À mon avis, il se souviendra de ton crochet encore un moment. Sinon moi, c’est Korben. Et toi ? Tu permets que je t’appelle Ali ?

À son sourire, Elizabeth comprit sans hésiter qu’il blaguait pour le prénom. Korben était en prison depuis quelques temps déjà, mais  Alianka de Nephthys avait forgé sa réputation bien avant son incarcération.

La réaction ne s'était pas faite attendre. Elle arriva aussi percutante que ses poings. Korben pensa à rétorquer, se défendre face à cette injuste discrimination. Elle incarnait la caricature féministe qui remettaient trop de soucis sur la responsabilité des hommes. Mais il s'abstint. Il se moquait complètement de ce qu'elle pensait de lui et ne cherchait pas à lui plaire. Et puis, le contexte gardait toute son importance . Il sortait de prison, tous les humains ne portaient pas des Glock et elle pouvait être utile malgré son caractère si tranché. La seule phrase qu'il avait prononcé concernant les femmes fut la toute première. Bien sûr, on ne commandait pas des femmes comme des pichets de bière. Mais il se moquait de savoir si l'humour avait été perçu ou non. Peu importait. Il ignora tout de ces propos sur la place de l'homme et de la femme au sein de la société. De toute façon, on avait assez à débattre du statut de l'homme face à celui des asariens, pour s'occuper de ce cas..

-- Aly ne me rappelle pas les meilleurs souvenirs du monde. Va pour Ely en ce cas.

Il n'avait pas envie de dire d'où il venait. Il n'éprouvait aucune honte à sortir de prison. Mais il n'avait pas envie qu'elle s'en serve contre lui ou qu'elle apprenne quoi que ce soit sur son passé. Alors finalement, il revint sur la discussion initiale.

-- Je prononce deux phrases avec le mot « femme » et tu en déduis que je les crois incapables de se battre ou de se servir d'une arme ? Et moi qui pensait t'avoir fait un compliment en disant qu'il se souviendrait de ton crochet. Pourquoi t'es comme ça ? Un ex ? De mauvaises expériences ? Un chef vraiment sexiste ?

Korben tentait de savoir qui pouvait être son chef. Ce n'était pas le patron du bar. Il s'était un instant demander s'il n'était pas son père. Visiblement, il s'était fourvoyé. A moins qu'elle n'ait ni dieu, ni maître, il espérait qu'un fasse parti d'un groupe. Gang, pacificateurs, rebelles ou miliciens au service des asariens, il s'en foutait, tant qu'elle avait des contacts et du business à vendre...

-- Pas du tout, c’est pour cela que je pose la question, mais passons.

S’il ne le montrait pas, Korben restait agréablement surpris par le caractère d’Elisabeth. Il n’appréciait pas les couards, ceux ou celles qui fermaient leur gueule et ne la ramenait jamais. De même, il n’aimait pas les grands adeptes de psychologies. Pour lui seule la valeur marchande d’une personne comptait. Au sens large, cela comportait donc ce qu’elle pouvait apporter, lui faire gagner. Le reste, comme l’amour propre, l’estime de soi ou l’estime qu’on avait de lui n’importait nullement à ses yeux.

Elle avait bien cerné son manège. Loin d’être conne comme il l’avait un temps espéré, elle ne tombait pas dans le panneau. Découvrant que ni l’un ni l’autre n’avancerait en restant sur ses positions, elle décida de partir, non sans une remarque qui le fit sourire. Il la laissa quitter les lieux.

Parmi les phrases prononcées, il avait particulièrement retenu la mention faite sur le lieu inadéquat.

S’ils devaient parler, cela ne se ferait pas dans un bar, pas devant témoins. Il attendit une petite minute qu’elle soit partie avant de filer à son tour. Il régla la note au patron du bar. Il n’allait pas risquer un tir de chevrotine pour une bière.

Dehors, le froid le saisit et lui rappela violemment la prison. Il regarda autour de lui. La rue semblait déserte. Au loin, il aperçut la silhouette d’Elisabeth. Il la suivit, sans presser le pas. Bien entendu, elle se rendit compte de la filature. Il ne se cachait pas. Il la rejoint finalement. En arrivant à sa hauteur, il sortit un paquet de clopes et l’ouvrit. Il en proposa une à Elisabeth. Si elle acceptait, il lui allumerai avant la sienne. Si elle refusait, il fumerait celle qu’il avait proposé.

-- Ton jouet, j’en cherche un du même style. Combien tu le vendrais ? Celui-là ou un autre, peu m’importe ?

La case prison l’avait privé de toute arme. Et son maigre couteau ne l’aiderait guère contre des miliciens armés de pistolets ou de fusils laser. Il recherchait l’Underworld, mais aussi des armes.

Elle se défendait d'être une trafiquante d'armes. Je ne cherchais pas un stock à refourguer, modestement un calibre pour me défendre. D'ici quelques semaines d'autres prisonniers seraient libérés, j'en soupçonnais quelques uns de vouloir régler leur différent avec moi. Cela m'aiderait si je pouvais tirer le premier. Elle me rassura néanmoins en expliquant pouvoir m'en procurer, avant de prononcer ce « ou pas ». Elle jouait le chaud froid avec moi. Cela me fit sourire. Je me demandais si elle était du même genre au pieu. Mais vu la confiance qu'elle me vouait ce ne serait pas demain la veille que nous partagerions une partie de jambes en l'air.

-- Tu as raison d'être parano, surtout avec moi.

Je l'étais encore plus qu'elle. Je ne faisais pas partie de la milice, elle non plus visiblement, sinon elle m'aurait déjà coffré depuis un bail. Je l'écoutais. Elle prétendait ne pas être traficante, mais elle pouvait m'avoir tout ce que je pouvais rêver. Impressionnant ! Grande gueule ou bien en relation avec les bonnes personnes ?

-- T'es une grande gueule, toi !

Je n'aimais pas jouer les copains avec ceux avec lesquels je trafiquais. Je la provoquai volontairement. Mon index se plaçait sous son menton, tout en douceur et je lui relèvais les lèvres vers les miennes. Je n'avais nulle intention de l'embrasser, je la testai.

-- Un blaster haute précision et si tu n'es pas trop gourmande, un Smith et Wesson. Même si tu as un beau petit cul bien moulé, t'es pas du genre à accepter les paiements en nature... Alors, tu veux quoi en échange ?

Je n'avais pas bougé d'un iota.

Si elle était maligne, elle comprendrait le choix de mes armes. L'une totalement automatique et électrique, d'une efficacité redoutable. La seconde, totalement manuelle, et fonctionnait en toute circonstance, même dans l'eau !

En affaire, j' étais réglo. Ne pas l'être était le meilleur moyen de se faire vendre ou trucider. Alors, je voulais savoir ce qu'elle me demanderait en échange. J'attendrais de savoir ce qu'elle voulait en échange. Pourvu qu'elle préfère un service, ce serait plus simple pour moi que de lui récupérer du fric. Je n'avais pas envie de buter un humain pour le braquer sitôt sorti de taule.

Elisabeth semblait vraiment rencontrer des difficultés à gérer le rapport homme-femme au sein de cette société. Sa réaction ne se fit pas attendre quand je relevais son menton. Comme je m'y attendais, cela ne lui plut nullement. Elle me poussa contre le mur et je m'estimais heureux de ne pas avoir été immobilisé par une clef de bras.

Elle me rappelait son combat à la Taverne. Je ne l'avais pas oublié. Je distillais mes compliments au compte goutte. Alors, je n'avais pas oublié ceux que j'avais prononcés. Je baissais les yeux vers elle et sourit en gage de paix, alors même que je venais de finir mon petit coup tordu. Elle recula de deux pas pour me laisser tranquille, mais conservait son caractère. Son petit cul m'envoya me faire foutre. Sa réaction m'amusa, je prenais néanmoins note des capacités de ses contacts. Plus elle parlait, plus j'en apprenais sur elle. Ce petit lot avait son intérêt, tant en terme de services qu'au pieu. C'est vrai qu'elle était bien foutue et je préférais ce caractère à une femme insipide dont les prestations sexuelles s'apparentaient souvent à l'étoile de mer. Moi, j'avais fait trop de prison. Le sexe me manquait. Passons donc à autre chose ! Alors qu'elle m'expliquait ce qu'elle désirait, je déplaçais l'arme sur ma gauche. Je prenais bien soin de ne pas diriger le glock vers elle.

Pensait-elle vraiment que je l'avais provoquée uniquement par intérêt sexuel ? Le but était uniquement de lui chourer son arme. Je remis le cran de sûreté, j'orientais le canon vers le bas et je dégageai une balle de la culasse. Aussitôt l'arme pivota autour de mon index. Le canon se retrouva en bas, la crosse vers le ciel. Je lui présentai l'arme pour la lui rendre.

-- Ne te vexe pas ! Toi aussi, tu oublies mes conseils à la Taverne.

Je parlais bien entendu du holster. Il m'aurait empêcher de prendre l'arme ainsi.

-- Le deal me semble correct, si le S&W est fourni avec quelques balles de ce type.

Oui, moi aussi, j'avais l'habitude de traiter avec des trafiquants d'armes. Si les lasers étaient équipées d'un système de batterie rechargeable, le S&W nécessitait des munitions. Et un trafiquant n'allait sûrement pas m'en offrir. Dans ce genre de business, le seul cadeau que j'avais vu offrir de bon cœur, c'était une balle dans la tête.

-- Je te fournirais ta carte d'accès. Tu sais ce que cela veut dire... Il faudra que j'ai la date précise.

Le ton employé prouvait que je ne la prenais pas pour une conne. Ces cartes sont individuellement attribués, je devrais neutraliser le chef de patrouille. Dès que son corps sera découvert, sa carte sera désactivée. Il fallait donc que je connaisse la date de sa petite visite au sein de la prison. Le hacker qu'elle recherchait m'indiquait qu'elle voulait des informations confidentielles. Et cela se confirmait avec les accréditations bien particulière des chefs de patrouille. Ces cartes n'ouvraient pas tout évidemment. Les asariens n'étaient pas si stupides. Les « multipass » tout accès n'existaient pas. Mais ces cartes donnaient accès à certains dossiers confidentiels.

Elle avait du cran, car si elle se faisait tauper, elle se ferait buter, non sans quelques séances de torture auparavant. Mais les asariens chercheraient plus à savoir ce qu'elle voulait voler que le nom de celui qui avait fourni le passe, surtout si le chef de patrouille était humain.

-- Les cartes donnent l'accès deux heures avant la prise de service du patrouilleur. Pointe-toi une heure avant sa prise de poste, cela sera moins suspect. Ensuite, je te conseille de ressortir avant sa prise de poste effective. S'ils ne le voient pas en poste, ils vont chercher à le géolocaliser. Je te filerais sa puce de géoloc. Tu la planqueras aux chiottes, ça te fera gagner encore cinq bonnes minutes. Mais ensuite, ils iront vérifier et ils désactiveront la carte, tu n'auras plus accès aux dossiers, plus possibilité de sortir.

Je remis mes mains dans mes poches et regardais autour de nous. Deux passants dans la rue à une telle heure ne plairaient pas aux miliciens. Il fallait partir.

-- Tu donneras un lieu et une heure de rendez-vous au patron du bar. Les chefs de patrouilles prennent leur service à 21h00, 5h00 ou 13h00.

Il me semblait plus vraisemblable qu'elle choisisse la patrouille de 5h00.

-- Tu as peu de chances de sortir vivante, alors j'apprécierai que tu me livres quand je te donnerais la carte d'accès.

Bon techniquement, il était peu probable qu'elle accepte. Je risquais d'obtenir une arme avant et l'autre après. J'accepterai si tel était sa demande. Puis au moment de partir, j'ajoutais :

-- C'est dommage que je ne fasse pas partie des privilégiés, tu dois être un sacré numéro au pieu. A bientôt, Ely.